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                                                                                 A l'Assemblée constituante

 

1848,
l
es élections à l'Assemblée constituante.



Manifeste
du Club des Travailleurs de Dijon (Côte d'Or)
en faveur des candidatures ouvrières,
18 mars 1848.




par Marc Nadaux

 






Au lendemain de la révolution de février, les clubs se multiplient, à Paris comme en Province. Regroupant les militants républicains, ils mènent une campagne électorale active en vue des élections des 23 et 24 avril à l'Assemblée constituante. A Dijon, le Club des Travailleurs, d'inspiration socialiste, a pour trésorier le citoyen Guichard ; les réunions de ses membres se tiennent è la salle de Flore à l'Hôtel de Ville, tous les dimanches de 4 heures à sept heures du soir. Cependant ses tentatives  furent vaines. La Côte d'Or n'envoya aucun ouvrier siéger à Paris et ces élections furent marquées par un raz-de-marée conservateur.








AUX TRAVAILLEURS ! ! !



L'heure de l'émancipation a sonné, la régénération sociale est proclamée.

Placez-vous sur la brèche, Travailleurs, vous l'avez faite assez large pour pouvoir y passer cette fois, serrons nos rangs, afin que, si quelques embûches nous étaient tendues dans la place, nous puissions les surmonter et les vaincre.

Ne soyons pas trop confiants après la victoire : vous savez qu'après tout combat, hideuses bêtes, les loups et les corbeaux viennent à la curée.
Ne nous reposons qu'après, généraux habiles, quand nous aurons mis nos derrières à l'abri, rendu notre position inexpugnable.

Ils ne sont pas prêts pour la lutte qui va s'engager, disent les oppresseurs de toutes les tailles : brochets ou requin, chat ou tigre.

Unissons-nous ; ils ne peuvent compter que sur nos divisions pour nous enlever encore notre droit dans le pacte social. Ne laissons pas escamoter une fois de plus une Révolution faite par le Peuple et pour le Peuple. Arrière la tourbe des repus et des vampires, qui s'engraissent du sang du Peuple : de ce sang généreux qui, bien qu'abreuvant depuis des siècles toutes les aristocraties, est encore assez chaud pour féconder la Liberté du Monde !

Sauvons-les de leur propre fureur, de leur aveuglement ; ils ne voient pas l'abîme ouvert qui menace de les engloutir.

Dieu a répandu sur eux cet esprit d'imprudence et d'erreur,

De la chute des Rois funeste avant-coureur ! 

Vouloir l'émancipation intégrale, à la fois intellectuelle et matérielle des Travailleurs, n'est-ce pas clore l'ère des Révolutions ? n'est-ce pas combler l'abîme de l'anarchie prêt à déborder, ce torrent dévastateur qui, une fois sorti de son lit, entraînerait, balaierait devant lui les oppresseurs et les opprimés, ferait retomber le Monde dans le chaos, arrêterait, pour des milliers d'années peut-être, dans sa marche déjà si lente et si pénible, l'humanité, qui, toute meurtrie des aspérités du chemin qu'elle a parcouru, viendrait tomber et mourir, prête à saisir le phare sauveur que la main de Dieu a placé devant elle ?

Alerte, Travailleurs ! l'heure a sonné. Debout, Peuple aux reins forts ; ne compte et ne te repose pas trop sur ta force ; sois sagace dans la lutte qui va s'ouvrir, tes adversaires sont rusés et pleins d'astuce. Nul ne doute de ta générosité après la victoire ; mais d'abord la victoire !

Que notre cri de ralliement soit : Des Travailleurs pour représentants à l'assemblée nationale. Pleins de foi et d'enthousiasme, ils apporteront dans cette assemblée l'intelligence juste des faits, l'aspiration sainte, toujours vivante au cœur du Peuple !

Arrière les avocats et les bavards, parasites qui, semblables au gui, ont absorbé et sucé la sève du tronc vigoureux de notre France, toutes les fois que, trop confiante, elle leur a remis le soin de veiller à ses destinées . Une ère nouvelle va s'ouvrir : au Peuple maintenant de veiller sur ses intérêts. Le pouvoir, entre les mains du Peuple, sera désormais une garantie pour l'ordre et la liberté.

Ah ! vous aviez nié jusqu'à ce jour l'intelligence virile du Peuple, contempteurs de vos frères ; vous avez cru à son asservissement indéfini ; la vanité de cette pensée égalait votre incrédulité dans la justice universelle de Dieu. Avant que les Révolutions ne viennent vous apprendre que cette injustice existe, vous vous croyiez les privilégiés d'un Dieu que vous faisiez à votre image : oppresseur, cruel, et d'une partialité révoltante et féroce. Cette croyance avait sa source dans l'égoïsme le plus abject, et dans l'idée, si longtemps vivace dans vos cœurs, de l'infériorité relative de l'intelligence du Peuple. Au nom de nos frères, ceux d'entre eux qui seront élus vous convient et vous ajournent à l'Assemblée nationale : on verra quels seront ceux qui apporteront le plus d'intelligence à l'édifice de la Constitution nouvelle ; qui, des Travailleurs ou de leurs contempteurs, seront les plus aptes et les plus avancés devant les exigences d'une situation exceptionnelle.

Au Peuple et à ses représentants de féconder le sol labouré par vingt Révolutions.

L'élu du Peuple sera l'élu de Dieu.


B.,

relieur


Dijon, 18 mars 1848