Loi relative au
Travail des Enfants
employés dans les Manufactures, Usines ou Ateliers.
LOUIS-PHILIPPE,
Roi des Français, à tous présents et à venir, SALUT.
Nous avons
proposé, les Chambres ont adopté, NOUS AVONS ORDONNE et ORDONNONS ce qui
suit :
Art. 1er
. Les enfants ne pourront être employés que sous les conditions
déterminées par la présente loi,
1. Dans les
manufactures, usines et ateliers à moteur mécanique ou à feu continu,
et dans leurs dépendances ;
2. Dans toutes
les fabriques occupant plus de vingt ouvriers réunies en atelier.
Art. 2 . Les enfants devront, pour être admis, avoir au moins huit ans.
De huit à douze
ans, ils ne pourront être employés au travail effectif plus de huit
heures sur vingt-quatre, divisées par un repos.
De douze à
seize ans, ils ne pourront être employés au travail effectif plus de
douze heures sur vingt-quatre, divisés par des repos.
Ce travail ne
pourra avoir lieu que de cinq heures du matin à neuf heures du soir.
L'âge des
enfants sera constaté par un certificat délivré, sur papier non timbré
et sans frais, par l'officier de l'état civil.
Art. 3 . Tout travail entre neuf heures du soir et cinq heures du matin
est considéré comme travail de nuit.
Tout travail de nuit est interdit pour les enfants au-dessous
de treize ans.
Si la
conséquence du chômage d'un moteur hydraulique ou des réparations
urgentes l'exigent, les enfants au-dessus de treize ans pourront
travailler la nuit, en comptant deux heurts pour trois, entre neuf heures
du soir et cinq lieuses du matin.
Un travail de
nuit des enfants ayant plus de treize ans, pareillement supputé, sera
toléré, s'il est reconnu indispensable, dans les établissements à feu
continu dont la marche ne peut pas être suspendue pendant le cours des
vingt-quatre heures.
Art. 4 . Les enfants au-dessous clé seize ans ne pourront être employés
les dimanches et jours de fêtes reconnus par la loi.
Art. 5 . Nul enfant âgé de moins de douze ans ne pourra être admis
qu'autant que ses parents ou tuteur justifieront qu'il fréquente
actuellement une des écoles publiques ou privées existant dans la
localité. Tout enfant admis devra, jusqu'à l'âge de douze ans, suivre
une école.
Les enfants
âgés de plus de douze ans seront dispensés de suivre une école,
lorsqu'un certificat, donné par le maire de leur résidence, attestera
qu'ils ont reçu l'instruction primaire élémentaire.
Art. 6 . Les maires seront tenus de délivrer au père, à la mère ou au
tuteur, un livret sur lequel seront portés l'âge, le nom, les prénoms,
le lieu de naissance et le domicile de l’enfant, et le temps pendant
lequel il aurait suivi l’enseignement primaire.
Les chefs
d'établissement inscriront,
1.
Sur le livret de chaque enfant, la date de son entrée dans
l'établissement et de sa sortie ;
2.
Sur un registre spécial, toutes les indications mentionnées au présent
article.
Art. 6 . Des règlements d'administration publique pourront,
1. Étendre à
des manufactures, usines ou ateliers, autres que ceux mentionnés dans
l'article 1er, l'application des dispositions de la présente loi ;
2 . Élever le
minimum de l’âge et réduire la durée du travail déterminés dans des
articles deuxième et troisième, à l'égard des genres d'industrie, où
le labeur des enfants excéderait leurs forces et compromettrait leur
santé ;
3. Déterminer
les fabriques où, pour cause de danger ou d'insalubrité ; les
enfants au-dessous de seize ans ne pourront point être employés ;
4 . Interdire
aux enfants, dans les ateliers où ils sont admis , certains genres de
travaux dangereux ou nuisibles ;
5. Statuer sur
les travaux indispensables à tolérer de la part des enfants, les
dimanches et fêtes; dans les usines à feu continu ;
6. Statuer sur
les cas dé travail de nuit prévus par l’article troisième.
Art. 8 . Des règlements d’administration publique devront,
1. Pourvoir aux
mesures nécessaires à l‘exécution de la présente loi ;
2. Assurer le
maintien des bonnes mœurs et de la décence publique dans les ateliers,
usines et manufactures ;
3. Assurer l’instruction
primaire et l’enseignement religieux des enfants ;
4. Empêcher, à
l'égard des enfants, tout mauvais traitement et tout châtiment abusif ;
5. Assurer les
conditions de salubrité et de sûreté nécessaires à la vie et à la
santé des enfants.
Art. 9 . Les chefs des établissements devront faire afficher dans chaque
atelier, avec la présente loi et les règlements d'administration
publique qui y sont relatifs, les règlements intérieurs qu'ils seront
tenus de faire pour en assurer l'exécution.
Art. 10 . Le Gouvernement établira des inspections pour surveiller et
assurer l'exécution de la présente loi. Les inspecteurs pourront, dans
chaque établissement, se faire représenter les registres relatifs à
l'exécution de la présente loi, les règlements intérieurs, les livrets
des enfants et les enfants eux-mêmes : ils pourront se faire accompagner
par un médecin commis par le préfet ou le sous-préfet.
Art. 11 . En cas de contravention, les inspecteurs dresseront, des
procès-verbaux, qui feront foi jusqu'à preuve contraire.
Art. 12 . En cas de contravention à la présente loi ou aux règlements
d'administration publique rendus pour son exécution, les propriétaires
ou exploitants des établissements seront traduits devant le juge de paix
du canton et punis d'une amende de simple police qui ne pourra excéder
quinze francs.
Les
contraventions qui résulteront, soit de l'admission d'enfants au-dessous
de l’âge, soit de l'excès de travail, donneront lieu à autant
d'amendes qu'il y aura d'enfants indûment admis ou employés, sans que
ces amendes réunies puissent s'élever au-dessus de deux cents francs.
S’il y a
récidive, les propriétaires ou exploitants des établissements seront
traduits devant le tribunal de pouce correctionnelle et condamnés à une
amende de seize à cent francs. Dans les cas prévus par le paragraphe
second du .présent article, les amendes réunies ne pourront jamais
excéder cinq cents francs.
II y aura
récidive, lorsqu'il aura été rendu contre le contrevenant, dans les
douze mois, précédents, un premier jugement pour contravention à la
présente loi ou aux règlements d'administration publique qu'elle
autorise.
Art. 13 . La présente loi ne sera obligatoire que six mois après sa
promulgation ;
La présente
loi, discutée, délibérée et adoptée par la Chambre des Pairs et par
celle des Députés, et sanctionnée par nous cejourd'hui, sera exécutée
comme loi de l'État,
DONNONS EN MANDEMENT à nos Cours et Tribunaux, Préfets, Corps
administratifs, et tous autres, que les présentes ils gardent et
maintiennent, fassent garder, observer et maintenir, et, pour des rendre
plus notoires à tous, ils les fassent publier et enregistrer partout où
besoin sera, et , afin que ce soit chose ferme et stable à toujours, nous
y avons fait mettre notre sceau.
Fait au palais des Tuileries, le 22 jour du mois de Mars, l’an 1841.
Signé
LOUIS-PHILIPPE,
Vu et scellé du grand sceau :
Le Garde des Sceaux de
France,
Ministre Secrétaire d’Etat au département de la Justice et des cultes,
Signé
N. Martin (du Nord)
Par le roi :
Le Ministre Secrétaire d’état
de l’agriculture et du commerce,
Signé
L. Cunin-Gridaine.