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                                 Notice géographique et historique rédigée par M. Odelin, instituteur, 1899

 

Breilly,
une commune rurale
de la vallée de la Somme




Notice géographique et historique
rédigée par M. Odelin, instituteur,
1899.



par Marc Nadaux







Ce texte est la relation d'un questionnaire auquel s'est prêté l'instituteur de la commune de Breilly comme nombre de ses collègues de la Somme entre 1897 et 1902. Diligenté par l'Inspection académique, il apparaît maintenant à nos yeux comme une véritable photographie d'un village, croqué sur le vif en cette fin de XIXème siècle.

Celui-ci a évolué avec son siècle. Fini désormais les toits de chaume. Deux briqueteries permettent également d'équiper les habitations avec un matériau plus commode que le torchis. Les habitants ont ainsi moins à craindre des incendies, même si  la commune, suivant la volonté de son Conseil municipal, s'est équipé d'une pompe afin de faire face à l'urgence. Avec son cimetière transféré au delà des habitations en 1884 et son église reconstruite en 1834, Breilly apparaît comme un village moderne.

De plus, depuis la Monarchie de Juillet, la Somme est canalisée et le chemin de fer a fait son apparition à la fin du Second Empire. Maintenant le village attend sa gare. En vain. Pourtant l' équipement en voie de communication n'a que peu modifié le profil sociologique de la population. Celle-ci est majoritairement composée de petits paysans qui sous l'effet du morcellement de la terre afferme une grande partie de la surface cultivée. Le salut vient alors de la ville voisine. Nombre d'entre-eux pratique en effet la double activité, s'employant à couper le velours pour les marchands-fabricants d'Amiens. L'installation d'une usine textile dans la commune voisine agit également comme une soupape de sécurité pour les habitants de Breilly, qui bientôt s'expatrieront. 

Ceux-ci vivent aussi du produit de l'étang dont on extrait la tourbe, maigre combustible, et dans lequel on pratique la pêche le dimanche venu. Loisir du pauvre mais également activité nourricière. Cette vallée, comme le souligne M.Odelin, est bien "pittoresque", mais de la Somme et ses marais s'exhalent les miasmes. 

Aussi le village balance entre l'archaïsme et la modernité.








 

IDÉE D’ENSEMBLE SUR LA COMMUNE



1 . Étymologie, anciennes formes du nom :

Braili.


2 . Situation :

Il est à 0° 1’ 56’’ de longitude Ouest, et 41° 58’ 45 ‘’ de latitude Nord, dans le canton de Picquigny, arrondissement d’Amiens. Il fait partie de l’ancien Amiénois.


3 . Communes limitrophes :

Son territoire est borné par quatre communes : au Nord Tirancourt, section de La Chaussée ; au Nord-Est Saint-Sauveur ; à l’Est, Ailly-sur-Somme ; au Sud et à l’Ouest, Picquigny.


4 . Superficie et population totale :

La superficie est de 572 hares et sa population de 416 habitants (recensement de 1896). C’est une commune d’importance moyenne.



GÉOGRAPHIE PHYSIQUE



5 . Nature du sol :

Le sol cultivé appartient aux formations tertiaires et quaternaires. La plus grande partie est perméable. Sous la terre végétale, s’étalent les couchent irrigantes : silice recouverte d’alluvion, sur ¼ du territoire ; terres glaises sur 1/8 du territoire ; marne calcaire sur ½ du territoire ; la 1/8 partie est marécageuse et procure la tourbe réservée au chauffage commun.


6 . Relief :

Le fleuve côtier, la Somme, coupe le territoire du Nord-Ouest au Sud-Est et y forme une vallée pittoresque. Un vallon sec, assez profond, d’origine marécageuse, appelé " Grande Vallée ", vient y mourir. L’altitude inférieure du territoire est de 33 mètres, l’altitude supérieure de 99 mètres. De ce point, au lieu dit " le Mont Joie ", on domine les alentours.


7 . Conditions climatologiques :

Située à environ 40 kilomètres de la Manche, la localité a deux climats assez distincts. Celui de la vallée de la Somme, humide et manquant de salubrité, et celui des plateaux , sain et tempéré.
Les vents dominants soufflent d’Ouest ; en divers lieux, leur direction est modifiée par le relief du sol.
Il pleut en moyenne 90 jours par an ; l’épaisseur de l’eau de pluie est de 830 millimètres.
Les brouillards sont communs dans la vallée de la Somme. Grâce à la forêt d’Ailly-sur-Somme, au Sud sud-est, et au bois de Picquigny, à l’Ouest, les orages et la grêle sont peu à redouter.


8 . Régime des eaux souterraines et superficielles :

Il existe, au-dessus des terres glaises, une nappe d’eau souterraine qui alimente les pluies et les sources. La source la plus abondante se rencontre dans le Marais communal. Il n’y a aucune mare ou pièce d’eau. Les divers étangs de la vallée de Somme couvrent une surface d’environ 5 hares ; on les nomme encore " entailles ".
La Somme est canalisée. Elle a même été détournée de son lit primitif lorsque la voie ferrée d’Amiens à Boulogne a été établie. Le bras enlevé subsiste encore et porte le nom de " Rivière morte ", nom lugubre. Et il es à craindre qu’il ne devienne un foyer d’infection.


9 . Influence maritime, côte :

L’influence de la mer se borne à l’action météorologique. Rapide est le contre coup des troubles atmosphériques signalés du littoral.


10 . Particularités de la flore et de la faune :

Les plantes utiles à l’Homme ne sont pas appréciées : angélique, petite centaurée, guimauve, menthe, mûre, sureau, camomille etc.
Les animaux auxiliaires : chauve-souris, hérisson, crapaud, chat-huant etc, sont volontiers détruits. Une passion locale consiste à faire la guerre aux petits oiseaux. L’influence de l’école a fait disparaître cette habitude chez les enfants.
Il n’existe aucun fauve ni reptile dangereux. Le pays est peu boisé. On ne rencontre que la ciguë comme plante vénéneuse.



GÉOGRAPHIE ADMINISTRATIVE



11 . Chef-lieu de la Commune, son importance :

Breilly, le chef-lieu, compte 394 habitants, sur 416 qui peuplent la commune. C’est le centre administratif, scolaire et religieux.


12 . Hameaux, leur importance :

Les 22 autres habitants n’occupent point de hameaux réels, mais des demeures isolées.
Dans le voisinage immédiat de la commune sont : la château (10 habitants, 1 maison), le Moulin (3 habitants, 1 maison à 1 kilomètre), l’Ermitage (6 habitants, 1 maison et à deux kilomètres), Saint Christ (3 habitants, 1 maison).


13 . Nombre d’électeurs, autres chiffres relatifs à la population :

Au 31 mars 1899, on compte 139 électeurs. Le recensement de 1896 accuse 322 adultes de 16 ans et plus, dont 152 hommes et 170 femmes ; 145 ménages. Actuellement, il y a 47 écoliers des 2 sexes. On y rencontre aucun étranger.


14 . Administration et finances municipalises :

Le Conseil municipal se compose de dix membres.
Le budget communal de 1899 s’élève à 4.714 francs ; il s’équilibre par 5.327 francs de ressources ordinaires, de 387 francs de ressources extraordinaires.
La dette consiste en une annuité de 387 francs remboursables pour 5.000 francs jusqu’en 1914 (annuité de 200 francs), et 2.800 francs jusqu’en 1909 (187 francs d’annuité) ; la première au Crédit Foncier, la deuxième à la Caisse des Écoles.
La Caisse des Écoles communales est alimentée par une allocation communale de 50 francs. Le Bureau d’assistance par une allocation communale de 50 francs. Le Bureau d’assistance a un revenu de 75 francs, et la Fabrique de 849 francs.


15 . Mandataires représentant la commune au dehors ; renseignements divers :

Breilly contribue à la nomination d’un conseiller d’arrondissement, d’un Conseiller général, d’un Député, de trois sénateurs. Les affaires municipales ressortissent de la Préfecture.
La commune dépend de Picquigny pour la perception, la Caisse d’épargne, le notaire, l’enregistrement, la justice de paix, l’huissier, la gendarmerie, les contributions indirectes, le service vicinal, le contrôle ; d’Ailly-sur-Somme pour la poste et le télégraphe ; d’Amiens et de Picquigny pour l’hospice ; d’Amiens pour les hypothèques, la vérification des poids et mesures, tribunal, commissaire priseur, avoué, recrutement, foret, mines ; d’Amiens nord pour l’inspection primaire ; Beauvais pour la subdivision militaire.
Breilly est une paroisse catholique du diocèse d’Amiens.
Il a deux écoles laïques spéciales, une bibliothèque scolaire compte 153 volumes et une pompe à incendie.



GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE


COMMUNICATIONS


16 . Routes, communications du chef-lieu avec les hameaux et communes voisines ; voies navigables :

Trois routes rayonnent de Breilly : la route nationale d’Abbeville à Compiègne qui le rattachent à l’Ouest à Picquigny, à l’Est à Ailly-sur-Somme et à Amiens ;le chemin de grande communication 121 qui le relie aux localités du Sud-ouest ;le chemin vicinal ordinaire de Saissemont, aux fermes et aux villages du Sud.


17 . Voies ferrées ; service postal, télégraphique et téléphonique :

La ligne d’Amiens à Boulogne passe au Nord du village, en longeant la Somme. Le station la plus rapprochée (2 kilomètres) est Ailly-sur-Somme, siège du bureau de poste et de télégraphe.


18 . Améliorations désirables :

Une gare est réclamée. Nul doute qu’il ne soit fait droit au vœu dans un avenir prochain.


AGRICULTURE


19 . Superficie cultivée, catégories de sol exploité :

Le territoire agricole compte 552 hectares. La surface totale est de 572 hectares répartis en : terre labourable 461 hectares, prés 27 hectares, jardins 10 hectares, vergers 1 hectare, bois 91 hectares, terrain négligé 1 hectares ; marécages 21 hectares ; terres non agricoles 20 hectares.


20 . Principales cultures :

Plus de la moitié des terres sont cultivées en céréales ; un quart en racines et en plantes fourragères ; un huitième en pommes de terre et en jachère ; un seizième en prairies.
Le rendement est bon pour toutes les plantes en général, et excellent pour la pommes de terre.
La culture des arbres fruitiers tend à se développer ; elle est loin, cependant, de procurer la consommation, en boisson, nécessaire aux habitants.


21 . Élevages, bétail et animaux de basse-cour :

On achète les chevaux. On élève les animaux des espèces bovines et porcine. On compte au 31 décembre 1898, 54 chevaux, 9 ânes, 108 vaches, 407 moutons, 47 chèvres, 238 porcs. La laiterie forme un excellent revenu. La volaille compte des sujets de choix et procure un bon rapport.


22 . Apiculture, sériciculture, pisciculture, ostréiculture :

L’exploitation des ruches est non développée.
Les poisson sont assez nombreux dans les étangs ; leur chair est excellente. La plupart des habitants sont pécheurs.


23 . État de la propriété :

Les 1 866 parcelles de territoire appartiennent à 276 propriétaires et se répartissent en 276 exploitations , dont 224 sont inférieures à 5 hectares. L’ancien fief, morcelé, tend à se reconstituer.


24 . Méthodes d’exploitation, outillages, progrès à réaliser :

Les méthodes et l’outillage agricoles sont en progrès. Plusieurs exploitations restent routinières. Il n’existe aucune association. Il faudrait dresser la carte chimique du territoire.


25 . Pêche et chasse :

La pêche est pratiquée dans la Somme et dans les étangs. Elle est libre dans la rivière, louée ailleurs. Dans l'étang communal, elle est permise le dimanche à tous les habitants. La chasse est réservée. Le gibier est peu abondant.


INDUSTRIE


26 . Mines, carrières, salines, eaux minérales :

La tourbe est extraite à la drague. Elle est peu abondante et constitue un médiocre chauffage ; son prix de revient est relativement élevé.
Deux briqueteries sont en activité.


27 . Petite, moyenne, grande industrie :

Plusieurs métiers, à la main, à couper et à tisser le velours existent. Cette industrie est en décadence, aussi les ouvriers se rendent-ils, nombreux, aux manufactures d’Ailly-sur-Somme et de Picquigny.
On compte un moulin à vent.


28 . Améliorations et créations possibles :

Le salut des ouvriers coupeurs, ayant réalisé quelques économies, est dans la culture, dont les produits, aux abords d’Amiens, ont un débouché facile et avantageux.


 

COMMERCE


 

29 . Nature et valeur des produits exportés et importés :

L’exportation consiste en produits agricoles. L’importation, en objets de consommation. Le transports des pièces de velours occupent un messager voiturier.


30 . Direction des courants commerciaux, marchés et foires :

Amiens est le centre principal des relations ; ses marchés sont un lieu des transactions.


31 . Produits sans écoulement, débouchés à créer :



APERÇU HISTORIQUE



ORIGINES


31 . Temps préhistoriques, antiquité gauloise et gallo-romaine :

Des cercueils en pierre, une épée mérovingienne, découvertes au puit de Saint Christ ; une hache en bronze, un casse tête en silex trouvés dans le marais attestent l’antiquité de Breilly et l’occupation romaine.


MOYEN AGE


33 . Époque gallo-franque, époque féodale du IXème au XVIème siècle.

Le village a connu les invasions normandes. IL a de bonne heure son église incendiée en 1092 ainsi que la plus grande partie du village.
La terre de Breilly a été achetée en 1368 par Raoul de Raineval, seigneur de Pierrepont, grand panetier de France, à Jehan, seigneur de Gorenflos. A partir de cette poque, la terre de Breilly a eu les mêmes seigneurs que Picquigny.


TEMPS MODERNES


34 . Du XVIème siècle à la Révolution :

Un incendie dont les débris se rencontrent sous la terre arable a détruit tout le village, sauf quelques maisons et l’église à la fin du XVIIème siècle.


TEMPS ACTUELS


35 . Grands faits, hommes remarquables etc.

La Révolution affranchit la propriété roturière et vend le domaine de la " Cens ".
Aucune trace ne marque autrement les temps de la Révolution.
Aucun homme illustre ne compte Breilly comme pays natal.


36 . Développement économique, progrès de l’instruction, des institutions de prévoyance et de bienfaisance etc., mouvement de la population, avenir possible de la commune :

Breilly a suivi le progrès des constructions. Les chaumières ont été remplacées par des maisons élégantes, bien confortables. Le bien-être a pénétré dans les familles depuis l’apparition du velours de coton.
L’instruction se répand, et avec elle, l’esprit de prévoyance (Caisse d’épargne, Caisse des retraites).
La population , qui était de 650 en 169, de 510 en 1866, de 416 en 1896, atteint aujourd’hui même 430 habitants.
Cette commune ne sera probablement jamais un centre important.



VUE GÉNÉRALE ET CONCLUSION



 

La modeste histoire de Breilly ne contient aucun événement d’importance nationale, elle n’en offre pas moins un vif intérêt aux habitants du village.
Depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours, de nombreuses générations ont travaillé à rendre le pays hospitalier.
L’époque gallo-romaine a laissé le souvenir du " Mont Joie ", lieu de plaisir et de débauches. Les serfs de la féodalité dépendaient des seigneurs de Picquigny. Personne, aujourd’hui, n’envie leur sort. Depuis 1789, les propriétés féodales ont été livrées à la culture, et la population a su mettre à profit les avantages de la société moderne.
La commune, habilement administré, n’a jamais connu de jours meilleurs que ceux de ce moment. Elle n’a aucun monument historique à visiter, mais son sol recèle des richesses archéologiques, et sa vallée pittoresque de la Somme est l’admiration des paysagistes.