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                                                                                Le canton d'Aignay-le-Duc (Côte d'Or), 1868

 

Rapport sur la situation politique, agricole,
industrielle, commerciale et morale
du canton d'Aignay-le-Duc (Côte d'Or),
1868.



par Marc Nadaux







Dans la continuité d'avec la Seconde République, de multiples enquêtes diligentées par les ministères compétents nous permettent d'apprécier, avec plus ou moins de déformation, les changements dans les campagnes sous le Second Empire. Avec plus ou moins de bonheur cependant, car le degré de véracité de ces remarques générales dépend de l'acuité avec laquelle le magistrat local observe ses contemporains, de son envie de plaire aux autorités également ce qui le pousse à se conformer implicitement aux attentes de ses supérieurs. Ce rapport est donc une photographie, quelques peu floue, du canton d'Aignay-le-Duc, en Côte d'Or.

Si ces habitants des campagnes sont peu politisés, ou plutôt encore largement favorables à l'Empereur Napoléon III et au Second Empire, ils sont néanmoins attentifs aux discours des opposants républicains, dont la présence au Corps législatif et sur le terrain des élections se fait plus insistante. Le progrès de l'instruction, dû notamment à l'impulsion donnée par le ministre Victor Duruy aux cours d'adulte, est très certainement un premier facteur explicatif. A noter que celui-ci ne concerne que peu les filles dans ces campagnes.

Celles-ci sont le fait d'une agriculture prospère qui, grâce notamment à la culture de la pomme de terre, parvient à nourrir la population. Cependant, le nombre des habitants dans le canton continue de régresser, poursuivant de manière inexorable le mouvement séculaire amorcé deux décennies auparavant. Les manœuvres et les artisans ruraux sont en effet attirés par les salaires plus élevés de la ville - à Dijon, ceux-ci sont d'1/3 supérieur à ceux que l'on rencontre à Aignay-le-Duc - , ce qui alimente l'exode rural.  








RAPPORT
SUR LA SITUATION POLITIQUE, AGRICOLE,
INDUSTRIELLE, COMMERCIALE ET MORALE
DU CANTON D'AIGNAY-LE-DUC




Aignay-le-Duc, le 15 mars 1868



Monsieur le Procureur Impérial,



J'ai l'honneur de vous adresser mon rapport trimestriel sur la situation politique, agricole, industrielle, commerciale et morale du canton d'Aignay-le-Duc.



Situation politique


Les habitants de nos campagnes s'occupent peu de politique. Le projet de loi sur l'organisation de l'armée leur a donné de l'inquiétude ; depuis la promulgation de cette loi, personne ne dit mot, on attend la mise en vigueur pour apprécier si elle aggrave les charges de la loi ancienne ou si elle les diminue. Le conseil de révision pour la garde nationale mobile se réunira le mardi 17 courant à Aignay-le-Duc. J'aurai l'honneur de vous informer le lendemain de quelle manière les opérations du conseil auront été accueillies.

On peut évaluer à 7.000 exemplaires par an les numéros du petit Moniteur universel qui sont répandus dans le canton ; pendant les discussions du projet de loi sur la réorganisation de l'armée, il s'est vendu jusqu'à 800 numéros par mois ; ce nombre est bien diminué aujourd'hui tant à cause des semailles que parce que les loi sur la presse et celle sur le droit de réunion les intéresse fort peu. Il est à propos de vous signaler que les discours des orateurs de l'opposition sont lus avec avidité ; pourtant je crois que l'esprit des populations est toujours favorable au gouvernement.

Les écoles d'adultes sont moins suivies cette année ; le nombre des individus qui les fréquentent est de 89 ainsi répartis : Minot 17, Etalante 13, Aignay 10, Rochefort 9, Moitron 8, Echalot 8, Busseaut 7, Beaulieu 5, St Germain 5, Beaunotte 4, Quemigy 2 et Belnot-sur-Seine 1 ; quant à Duesme, Mauvilly, Meulson et Origny, personne ne s'y est présenté. Dans le nombre de 89, il y a des élèves de l'écoles primaire qui viennent au cours du soir et qui sont comptés dans ce total. Je crois que ce serait se faire illusion que de compter sur la durée de ce cours dans les campagnes.

Les écoles primaires ou plutôt les classes sont convenablement éclairées et aérées ; leur mobilier est bien ; les communes d'Aignay, Minot et Etalante ont des écoles de filles ;les salles d'école à Aignay et à Minot sont convenables ; dans ces deux communes, l'instruction des filles est confiée à des Sueurs de la Providence ; quant à l'école d'Etalante, elle est tenue par une institutrice laïque, le local de l'école laisse beaucoup à désirer ; la commune n'ayant pas assez de ressources a garni de tables et de bancs une chambre mal éclairée et peu aérée qu'elle amodie et l'institutrice tient là l'école.

Le conseil général dans sa dernière session a voté 10.000 f. pour être répartis, à titre de subvention dans les communes au-dessous de 500 âmes qui voudraient ouvrir des écoles de filles ; je ne crois pas que le canton d'Aignay prenne la moindre part de cette subvention car les communes de Quemigny, Busseaut, St. Germain et Echalot qui sont les plus populeuses ne sont pas en état de payer une institutrice et d'approprier un local à la tenue d'une école, les ressources de leur budget ne leur permet pas.

M. Sirot, receveur de l'enregistrement, a été appelé au bureau d'Ambérieux (Ain) sur la fin du mois de décembre dernier, il est remplacé à Aignay par M. Choumart qui vient de la Corse.



Situation agricole, commerciale et industrielle.


Les blés n'ont pas trop souffert de l'hiver rigoureux que nous venons de traverser, ils commencent à se réveiller de leur engourdissement et verdissent ; les prairies artificielles et les prairies naturelles ne poussent guère jusqu'à présent.

La semaille des avoines se fait actuellement dans de bonnes conditions. Le battage des blés est en partie achevé ; la rendue des grains est celle d'une année ordinaire. Les avoines ont fourni une quantité de grain exceptionnelle. Les greniers à fourrage sont encore bien garnis. Les pommes de terre dont la récolte a été très abondante ne manquent pas ; elles se sont bien conservées à part quelques unes qui ont été saisies par les premières gelées ; ce tubercule a puissamment contribué à la nourriture des familles nécessiteuses pendant l'hiver.

Le travail n'a pas manqué aux ouvriers pendant la mauvaise saison ; personne n'a souffert de la faim ; la charité publique et les bureaux de bienfaisance sont venus au secours des indigents.

Le commerce des bois et charbons n'est toujours guère actif ; celui des sabots qui est considérable dans le canton va très bien ; les ouvriers ont peine à suffire aux commandes ; les tisserands travaillent tous sans relâche.

L'hiver long et rigoureux que nous venons de passer a retardé l'exploitation des forêts ; tous les bois auront peine à être abattus pour le 15 avril, terme de rigueur mais je pense que l'administration forestière accordera des prolongations de délai aux adjudicataires qui en demanderont.

Les ouvriers sabotiers qui sont très nombreux gagnent de 3 à 4 f. par jour ;les tisserands de 3 f. à 3 f. 50, les bûcherons 1 f. 50, les journaliers 1 f. 25 à 1 f. 50 aussi par jour. Un domestique de charrue se paie de 250 à 300 f. par an et nourri, les servantes de 100 à 150 f. aussi par an et nourries. Les enfants de 12 à 16 ans, de 75 à 120 f. et nourris depuis le ler avril au ler novembre pour garder les troupeaux.

Le blé se vend 38 f. les 100 kg., l'avoine 24 f. aussi les 100 kg., le foin se paie 30 £ les 500 kg., les pommes de terre de 5 à 6 francs l'hectolitre.

Les bouchers vendent la viande de vache, celle de veau et celle de mouton 1 f. 40 le kilo, le porc 1 f. 30 le kilo. Les boulangers vendent le pain blanc à 50 c. le kilo et le pain bis à 45 c. 

Depuis mon dernier rapport il n'a été abattu qu'un seul cheval à Aignay et une grande partie de la viande a été conduite à Beaunotte pour un banquet qui a réuni fort peu de monde.

Le beurre se paie 0,80 la demi-livre, les neufs 50 à 55 c. la douzaine, la volaille, 0,60 le demi kilo, pesée vivante, il en reste peu à vendre.

Il y a eu dans le canton l'année dernière 41 mariages, 67 naissances et 83 décès ;ces derniers ont dépassé les naissances de 16 ainsi la population a diminué au lieu d'augmenter.


Situation morale


L'esprit des habitants du canton est bon ; ils ne sont pas processifs ; les jugements civils sont rares ; les affaires se concilient généralement sur billet d'avertissement en simple police ; il y a eu six jugements rendus pendant le trimestre, un pour contravention à la police des lieux publics, un sur la police du roulage, une contravention de voierie urbaine, un pour tapage nocturne, un pour violences légères et un pour contravention à la police rurale.

Les habitants de Minot sont très contents d'être débarrassés de Ménétrier dit Lécourté, condamné par le tribunal correctionnel de Châtillon à deux ans d'emprisonnement pour offenses envers sa majesté l'Empereur ; cet homme, qui a des antécédents détestables, ne vivait que de vols et de rapines ; il était tellement redouté dans sa commune que personne n'osait se plaindre de ses méfaits journaliers.

Je remarque que depuis deux mois, des bandes de camps volants infestent le canton d'Aignay ; j'ai prié Messieurs les maires de ne pas les souffrir dans leurs communes et de les faire partir lorsqu'ils s'y présentent ; je les ai engagés à se reporter à la circulaire de M. le Préfet du mois de juin 1864 qui prescrit les mesures à prendre contre ces hôtes malfaisants et incommodes . Je me suis concerté avec la gendarmerie pour donner de l'appui à Messieurs les maires et arriver à ne voir ces pillards que passer dans le canton.



Je suis avec respect Monsieur le Procureur impérial
Votre très humble et très obéissant serviteur.



Le Juge de Paix

Couturier