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                             Victor Hugo et le suffrage universel, 1850

 

Victor Hugo
et le suffrage universel,
1850.




par Marc Nadaux







Louis Philippe d'Orléans, qui règne depuis les journées de juillet 1830, met en place un régime politique qui satisfait les aspirations de la bourgeoisie libérale.  S'appropriant le legs idéologique de 1789, cette monarchie parlementaire vit au rythme des décrets royaux, des élections au suffrage censitaire. Celles-ci ne laissent que peu de place aux aspirations populaires. Le corps électoral ne compte en effet que 200.000 membres. L'opposition républicaine se déploie alors avec des manifestations de rue, des coups de main préparés par les sociétés secrètes à la tête desquelles se retrouvent Armand Barbés ou Auguste Blanqui. 

La vie politique de la Monarchie de Juillet s'organise autour du clivage à la Chambre des députés qui sépare le parti du "mouvement", progressiste et considérant la Charte de 1830 comme un point de départ, et celui de la "résistance", conservateur ou réactionnaire et qui n'accepte aucun aménagement supplémentaire. Si les deux partis adverses alternent dans un premier temps au pouvoir, celui-ci est confisqué à partir de 1840 par François Guizot et les conservateurs. 

Les manifestations réformistes et révolutionnaires se multiplient alors tandis que le mécontentement est aiguisé par les crises économiques. L'interdiction d'une réunion publique le 22 février 1848 provoque bientôt une émeute dans la capitale parisienne. Le surlendemain, le palais des Tuileries est pris d'assaut et Louis-Philippe Ier doit abdiquer. Un gouvernement provisoire dominé par le poète Alphonse de Lamartine proclame la République. 

Une nouvelle définition du mode de scrutin s'impose alors  aux yeux du nouveau pouvoir en place. Comme nous l'a conté Alexis de Tocqueville, les élections au suffrage universel sous la Seconde République sont soigneusement encadrées dans les campagnes par les notables. Aussi le pouvoir est rapidement confisquée par une majorité conservatrice à la Chambre. Celle-ci s'inquiète alors des manifestations et autres coups de main de l'opposition démocrate socialiste menée par Ledru-Rollin, de l'avancée électorale du courant montagnard.

Le 31 mai 1850 est alors votée à la Chambre une loi qui restreint les listes électorales. En sont écartés toux ceux qui ne peuvent justifier de trois années de résidence fixe et ceux qui ont été récemment condamnés. Cette nouvelle disposition interdit donc l'exercice du droit de vote à une grande partie du monde ouvrier, largement représenté à l'époque par la main d'œuvre migrante, mais aussi aux militants républicains.

Âprement défendu par Adolphe Thiers, l'un des principaux animateurs du parti de l'Ordre, le projet trouve en Victor Hugo, qui depuis quelques mois a rejoint les banc de la gauche à l'Assemblée, un virulent contradicteur. Le nouveau Président de la République, Louis-Napoléon Bonaparte, s'abstiendra quant à lui de prendre partie. Cette loi électorale sert en effet ses desseins et il ne se privera pas l'année suivante d'en réclamer l'abrogation. 







Messieurs,


la révolution de février, et, pour ma part, puisqu'elle semble vaincue, puisqu'elle est calomniée, je chercherai toutes les occasions de la glorifier dans ce qu'elle a fait de magnanime et de beau (Très bien ! très bien !), la révolution de février avait eu deux magnifiques pensées. La première, je vous la rappelais l'autre joua, ce fut de monter jusqu'aux sommets de l'ordre politique et d'en arracher la peine de mort; la seconde, ce fut d'élever subitement les plus humbles régions de l'ordre social au niveau des plus hautes et d'y installer la souveraineté.

Double et pacifique victoire du progrès qui, d'une part, relevait l'humanité, qui, d'autre part, constituait le peuple, qui emplissait de lumière en même temps le monde politique et le monde social, et qui les régénérait et les consolidait tous deux à la fois : l'un par la clémence, l'autre par l'égalité. (Bravo ! à gauche.)

Messieurs, le grand acte, tout ensemble politique et chrétien, par lequel la révolution de février fit pénétrer son principe jusque dans les racines mêmes de l'ordre social, fut l'établissement du suffrage universel : fait capital, fait immense, événement considérable qui introduisit dans l'État un élément nouveau, irrévocable, définitif. Remarquez-en, messieurs, toute la portée. Certes, ce fut une grande chose de reconnaître le droit de tous, de composer l'autorité universelle de la somme des libertés individuelles, de dissoudre ce qui restait des castes dans l'unité auguste d'une souveraineté commune, et d'emplir du même peuple tous les compartiments du vieux monde social ; certes, cela fut grand; mais, messieurs, c'est surtout dans son action sur les classes qualifiées jusqu'alors classes inférieures qu'éclate la beauté du suffrage universel. (Rires ironiques à droite.)

Messieurs, vos rires me contraignent d'y insister. Oui, le merveilleux côté du suffrage universel, le côté efficace, le côté politique, le côté profond, ce ne fut pas de lever le bizarre interdit électoral qui pesait, sans qu'on pût deviner pourquoi, mais c'était la sagesse des grands hommes d'état de ce temps-là (On rit à gauche), - qui sont les mêmes que ceux de ce temps ci... - (Nouveaux rires approbatifs à gauche) ; ce ne fut pas, dis-je, de lever le bizarre interdit électoral qui pesait sur une partie de ce qu'on nommait la classe moyenne, et même de ce qu'on nommait la classe élevée ; ce ne fut pas de restituer son droit à l'homme qui était avocat, médecin, lettré, administrateur, officier, professeur, prêtre, magistrat, et qui n'était pas électeur ; à l'homme qui était juré, et qui n'était pas électeur ; à l'homme qui était membre de l'Institut, et qui n'était pas électeur ; à l'homme qui était pair de France, et qui n'était pas électeur ; non, le côté merveilleux, je le répète, le côté profond, efficace, politique, du suffrage universel, ce fut d'aller chercher dans les régions douloureuses de la société, dans les bas-fonds, comme vous dites, l'être courbé sous le poids des négations sociales, l'être froissé qui, jusqu'alors, n'avait eu d'autre espoir que la révolte, et de lui apporter l'espérance sous une autre forme (Très bien !), et de lui dire : Vote ! ne te bats plus ! (Mouvement.) Ce fut de rendre sa part de souveraineté à celui qui jusque-là n'avait eu que sa part de souffrance ! Ce fut d'aborder dans ses ténèbres matérielles et morales l'infortuné qui, dans les extrémités de sa détresse, n'avait d'autre arme, d'autre défense, d'autre ressource que la violence, et de lui retirer la violence, et de lui remettre dans les mains, à la place de la violence, le droit! (Bravos prolongés.)

Oui, la grande sagesse de cette révolution de février qui, prenant pour base de la politique l'Évangile, (À droite : Quelle impiété !) institua le suffrage universel ; sa grande sagesse, et en même temps sa grande justice, ce ne fut pas seulement de confondre et de dignifier dans l'exercice du même pouvoir souverain le bourgeois et le prolétaire ; ce fut d'aller chercher dans l'accablement, dans le délaissement, dans l'abandon, dans cet abaissement qui conseille si mal, l'homme de désespoir, et de lui dire : Espère ! l'homme de colère, et de lui dire : Raisonne ! le mendiant, comme on l'appelle, le vagabond, comme on l'appelle, le pauvre, l'indigent, le déshérité, le malheureux, le misérable, comme on l'appelle, et de le sacrer citoyen ! (Acclamation à gauche.)

Voyez, messieurs, comme ce qui est profondément juste est toujours en même temps profondément politique : le suffrage universel, en donnant un bulletin à ceux qui souffrent, leur ôte le fusil. En leur donnant la puissance, il leur donne le calme. Tout ce qui grandit l'homme l'apaise. (Mouvement.)

Le suffrage universel dit à tous, et je ne connais pas de plus admirable formule de la paix publique : Soyez tranquilles, vous êtes souverains. (Sensation.)

Il ajoute : Vous souffrez ? eh bien ! n'aggravez pas vos souffrances, n'aggravez pas les détresses publiques par la révolte. Vous souffrez ? eh bien ! vous allez travailler vous-mêmes, dès à présent, au grand oeuvre de la destruction de la misère, par des hommes qui seront à vous, par des hommes en qui vous mettrez votre âme, et qui seront, en quelque sorte, votre main. Soyez tranquilles.

Puis, pour ceux qui seraient tentés d'être récalcitrants, il dit - Avez-vous voté ? Oui. Vous avez épuisé votre droit, tout est dit. Quand le vote a parlé, la souveraineté a prononcé. Il n'appartient pas à une fraction de défaire ni de refaire l'œuvre collective. Vous êtes citoyens, vous êtes libres, votre heure reviendra, sachez l'attendre. En attendant, parlez, écrivez, discutez, contestez, enseignez, éclairez; éclairez-vous, éclairez les autres. Vous avez à vous, aujourd'hui, la vérité, demain la souveraineté : vous êtes forts. Quoi ! deux modes d'action sont à votre disposition, le droit du souverain et le rôle du rebelle ; vous choisiriez le rôle du rebelle ! ce serait une sottise et ce serait un crime. (Applaudissements à gauche.)

Voilà les conseils que donne aux classes souffrantes le suffrage universel. (Oui ! oui ! à gauche, - Rires à droite.)

Messieurs, dissoudre les animosités, désarmer les haines, faire tomber la cartouche des mains de la misère, relever l'homme injustement abaissé et assainir l'esprit malade par ce qu'il y a de plus pur au monde, le sentiment du droit librement exercé : reprendre à chacun le droit de force, qui est le fait naturel, et lui rendre en échange la part de souveraineté, qui est le fait social ; montrer aux souffrances une issue vers la lumière et le bien-être ; éloigner les échéances révolutionnaires et donner à la société, avertie, le temps de s'y préparer; inspirer aux masses cette patience forte qui fait les grands peuples : voilà l'œuvre du suffrage universel (Sensation profonde), œuvre éminemment sociale au point de vue de l'État, éminemment morale au point de vue de l'individu.

Méditez ceci, en effet : sur cette terre d'égalité et de liberté, tous les hommes respirent le même air et le même droit. (Mouvement.) II y a dans l'année un jour où celui qui vous obéit se voit votre pareil, où celui qui vous sert se voit votre égal, où chaque citoyen, entrant dans la balance universelle, sent et constate la pesanteur spécifique du droit de cité, et où le plus petit fait équilibre au plus grand. (Bravo ! à gauche. - On rit à droite.) Il y a un jour dans l'année où le gagne-pain, le journalier, le manœuvre, l'homme qui traîne des fardeaux, l'homme qui casse des pierres au bord des routes, juge le sénat', prend dans sa main, durcie par le travail, les ministres, les représentants, le président de la république, et dit : La puissance, c'est moi ! Il y a un jour dans l'année où le plus imperceptible citoyen, où l'atome social participe à la vie immense du pays tout entier, où la plus étroite poitrine se dilate à l'air vaste des affaires publiques' ; un jour où le plus faible sent en lui la grandeur de la souveraineté nationale, où le plus humble sent en lui l'âme de la patrie ! (Applaudissements à gauche. Rires et bruit à droite.) Quel accroissement de dignité pour l'individu, et par conséquent de moralité ! Quelle satisfaction, et par conséquent quel apaisement ! Regardez l'ouvrier qui va au scrutin. Il y entre avec le front triste du prolétaire accablé, il en sort avec le regard d'un souverain. (Acclamations à gauche. - Murmures à droite.)

Or, qu'est-ce que tout cela, messieurs ? C'est la fin de la violence, c'est la fin de la force brutale, c'est la fin de l'émeute, c'est la fin du fait matériel, et c'est le commencement du fait moral. (Mouvement.) C'est, si vous permettez que je rappelle mes propres paroles, le droit d'insurrection aboli par le droit de suffrage. (Sensation.)

Eh bien ! vous, législateurs chargés par la Providence de fermer les abîmes et non de les ouvrir, vous qui êtes venus pour consolider et non pour ébranler, vous, représentants de ce grand peuple de l'initiative et du progrès, vous, hommes de sagesse et de raison, qui comprenez toute la sainteté de votre mission, et qui, certes, n'y faillirez pas, savez-vous ce que vient faire aujourd'hui cette loi fatale, cette loi aveugle qu'on ose si imprudemment vous présenter ? (Profond silence.)

Elle vient, je le dis avec un frémissement d'angoisse, je le dis avec l'anxiété douloureuse du bon citoyen épouvanté des aventures où l'on précipite la patrie, elle vient proposer à l'assemblée l'abolition du droit de suffrage pour les classes souffrantes, et, par conséquent, je ne sais quel rétablissement abominable et impie du droit d'insurrection. (Mouvement prolongé.)

Voilà toute la situation en deux mots. (Nouveau mouvement.)

Oui, messieurs, ce projet, qui est toute une politique, fait deux choses : il fait une loi, et il crée une situation.

Une situation grave, inattendue, nouvelle, menaçante, compliquée, terrible.

Allons au plus pressé. Le tour de la loi, considérée en elle-même, viendra. Examinons d'abord la situation.

Quoi ! après deux années d'agitation et d'épreuves, inséparables, il faut bien le dire, de toute grande commotion sociale, le but était atteint !

Quoi ! la paix était faite ! quoi ! le plus difficile de la solution, le procédé, était trouvé, et, avec le procédé, la certitude. Quoi ! le mode de création pacifique du progrès était substitué au mode violent; les impatiences et les colères avaient désarmé ; l'échange du droit de révolte contre le droit de suffrage était consommé ; l'homme des classes souffrantes avait accepté ; il avait doucement et noblement accepté. Nulle agitation, nulle turbulence. Le malheureux s'était senti rehaussé par la confiance sociale. Ce nouveau citoyen, ce souverain restauré, était entré dans la cité avec une dignité sereine. (Applaudissements à gauche. - Depuis quelques instants, un bruit presque continuel, venant de certains bancs de la droite, se mêle à la voix de l'orateur. M. Victor Hugo s'interrompt et se tourne vers la droite.)

Messieurs, je sais bien que ces interruptions calculées et systématiques (Dénégations à droite. - Oui ! oui ! à gauche) ont pour but de déconcerter la pensée de l'orateur (C'est vrai !) et de lui ôter la liberté d'esprit, ce qui est une manière de lui ôter la liberté de la parole. (Très bien !) Mais c'est là vraiment un triste jeu, et peu digne d'une grande assemblée. (Dénégations à droite.) Quant à moi, je mets le droit de l'orateur sous la sauvegarde de la majorité vraie, c'est-à-dire de tous les esprits généreux et justes qui siègent sur tous les bancs et qui sont toujours les plus nombreux parmi les élus d'un grand peuple. (Très bien ! à gauche. - Silence à droite.)

Je reprends : la vie publique avait saisi le prolétaire sans l'étonner ni l'enivrer. Les jours d'élection étaient pour le pays mieux que des jours de fête, c'étaient des jours de calme. (C'est vrai !) En présence de ce calme, le mouvement des affaires, des transactions, du commerce, de l'industrie, du luxe, des arts, avait repris ; les pulsations de la vie régulière revenaient. Un admirable résultat était obtenu. Un imposant traité de paix était signé entre ce qu'on appelle encore le haut et le bas de la société. (Oui ! oui !)

Et c'est là le moment que vous choisissez pour tout remettre en question ! Et ce traité signé, vous le déchirez ! (Mouvement.) Et c'est précisément cet homme, le dernier sur l'échelle de vie, qui, maintenant, espérait remonter peu à peu et tranquillement, c'est ce pauvre, c'est ce malheureux, naguère redoutable, maintenant réconcilié, apaisé, confiant, fraternel, c'est lui que votre loi va chercher ! Pourquoi ? Pour faire une chose insensée, indigne, odieuse, anarchique, abominable ! pour lui reprendre son droit de suffrage ! pour l'arracher aux idées de paix, de conciliation, d'espérance, de justice, de concorde, et, par conséquent, pour le rendre aux idées de violence! Mais quels hommes de désordre êtes-vous donc ? (Nouveau mouvement.)

Quoi ! le port était trouvé, et c'est vous qui recommencez les aventures ! Quoi ! le pacte était conclu, et c'est vous qui le violez !

Et pourquoi cette violation du pacte ? pourquoi cette agression en pleine paix ? pourquoi ces emportements ? pourquoi cet attentat ? pourquoi cette folie ? Pourquoi ? je vais vous le dire : c'est parce qu'il a plu au peuple, après avoir nommé qui vous vouliez, ce que j vous avez trouvé fort bon, de nommer qui vous ne I vouliez pas, ce que vous trouvez mauvais. C'est parce qu'il a jugé dignes de son choix des hommes que vous jugiez dignes de vos insultes. C'est parce qu'il est présumable qu'il a la hardiesse de changer d'avis sur votre compte depuis que vous êtes le pouvoir, et qu'il peut comparer les actes aux programmes, et ce qu'on avait promis avec ce qu'on a tenu. (C'est cela !) C'est parce qu'il est probable qu'il ne trouve pas votre gouvernement complètement sublime. (Très bien ! - On rit.) C'est parce qu'il semble se permettre de ne pas vous admirer comme il convient. (Très bien ! très bien ! - Mouvement.) C'est parce qu'il ose user de son vote à sa fantaisie, ce peuple, parce qu'il paraît avoir cette audace inouïe de s'imaginer qu'il est libre, et que, selon toute apparence, il lui passe par la tête cette autre idée étrange qu'il est souverain (Très bien !) ; c'est, enfin, parce qu'il a l'insolence de vous donner un avis sous cette forme pacifique du scrutin et de ne pas se prosterner purement et simplement à vos pieds. (Mouvement). Alors vous vous indignez, vous vous mettez en colère, vous déclarez la société en danger, vous vous écriez : Nous allons te châtier, peuple ! nous allons te punir, peuple ! Tu vas avoir affaire à nous, peuple ! - et comme ce maniaque de l'histoire, vous battez de verges l'Océan ! (Acclamation à gauche.)

Que l'assemblée me permette ici une observation qui, selon moi, éclaire jusqu'au fond, et d'un jour vrai et rassurant, cette grande question du suffrage universel.

Quoi ! le gouvernement veut restreindre, amoindrir, émonder, mutiler le suffrage universel ! Mais y a-t-il bien réfléchi ? Mais voyons, vous, ministres, hommes sérieux, hommes politiques, vous rendez-vous bien compte de ce que c'est que le suffrage universel ? le suffrage universel vrai, le suffrage universel sans restrictions, sans exclusions, sans défiances, comme la révolution de février l'a établi, comme le comprennent et le veulent les hommes de progrès ? (Au banc des ministres : C'est de l'anarchie. Nous ne voulons pas de ça !)

Je vous entends, vous me répondez : « Nous n'en voulons pas ! C'est le mode de création de l'anarchie ! » (Oui ! oui ! à droite.) Eh bien ! c'est précisément tout le contraire. C'est le mode de création du pouvoir. (Bravo ! à gauche.) Oui, il faut le dire et le dire bien haut, et j'y insiste ; ceci, selon moi, devrait éclairer toute cette discussion : ce qui sort du suffrage universel, c'est la liberté, sans nul doute ; mais c'est encore plus le pouvoir que la liberté !

Le suffrage universel, au milieu de toutes nos oscillations orageuses, crée un point fixe. Ce point fixe, c'est la volonté nationale légalement manifestée ; la volonté nationale, robuste amarre de l'État, ancre d'airain qui ne casse pas et que viennent battre vainement tour à tour le flux des révolutions et le reflux des réactions ! (Profonde sensation.)

Et, pour que le suffrage universel puisse créer ce point fixe, pour qu'il puisse dégager la volonté nationale dans toute sa plénitude souveraine, il faut qu'il n'ait rien de contestable (C'est vrai ! c'est cela !) ; il faut qu'il soit bien réellement le suffrage universel, c'est-à-dire qu'il ne laisse personne, absolument personne en dehors du vote ; qu'il fasse de la cité la chose de tous, sans exception ; car, en pareille matière, faire une exception, c'est commettre une usurpation (Bravo ! à gauche) ; il faut, en un mot, qu'il ne laisse à qui que ce soit le droit redoutable de dire à la société : Je ne te connais pas ! (Mouvement prolongé.)

À ces conditions, le suffrage universel produit le pouvoir, un pouvoir colossal, un pouvoir supérieur à tous les assauts, même les plus terribles; un pouvoir qui pourra être attaqué, mais qui ne pourra être renversé, témoin le 15 mai, témoin le 23 juin (C'est vrai ! c'est vrai !) ; un pouvoir invincible parce qu'il pose sur le peuple, comme Antée parce qu'il pose sur la terre ! (Applaudissements à gauche.) Oui, grâce au suffrage universel, vous créez et vous mettez au service de l'ordre un pouvoir où se condense toute la force de la nation; un pouvoir pour lequel il n'y a qu'une chose qui soit impossible, c'est de détruire son principe, c'est de tuer ce qui l'a engendré ! (Nouveaux applaudissements à gauche.)

Grâce au suffrage universel, dans notre époque où flottent et s'écroulent toutes les fictions, vous trouvez le fond solide de la société. Ah ! vous êtes embarrassés du suffrage universel, hommes d'état ! ah ! vous ne savez que faire du suffrage universel ! Grand Dieu ! C'est le point d'appui, l'inébranlable point d'appui qui suffirait à un Archimède politique pour soulever le monde! (Longue acclamation à gauche.) Ministres, hommes qui nous gouvernez, en détruisant le caractère intégral du suffrage universel, vous attentez au principe même du pouvoir, du seul pouvoir possible aujourd'hui ! Comment ne voyez-vous pas cela ? Tenez, voulez-vous que je vous le dise ? Vous ne savez pas vous-mêmes ce que vous êtes ni ce que vous faites. Je n'accuse pas vos intentions, j'accuse votre aveuglement. Vous vous croyez, de bonne foi, des conservateurs, des reconstructeurs de la société, des organisateurs ? Eh bien ! je suis fâché de détruire votre illusion ; à votre insu, candidement, innocemment, vous êtes des révolutionnaires ! (Longue et universelle sensation.)

Oui ! et des révolutionnaires de la plus dangereuse espèce, des révolutionnaires de l'espèce naïve ! (Hilarité générale.) Vous avez, et plusieurs d'entre vous l'ont déjà prouvé, ce talent merveilleux de faire des révolutions sans le voir, sans le vouloir et sans le savoir (Nouvelle hilarité), en voulant faire autre chose ! (On rit. - Très bien ! très bien !) Vous nous dites : Soyez tranquilles ! Vous saisissez dans vos mains, sans vous douter de ce que cela pèse, la France, la société, le présent, l'avenir, la civilisation, et vous les laissez tomber sur le pavé par maladresse ! Vous faites la guerre à l'abîme en vous y jetant tête baissée ! (Long mouvement.)

Eh bien! l'abîme ne s'ouvrira pas ! (Sensation.) Le peuple ne sortira pas de son calme ! Le peuple calme, c'est l'avenir sauvé. (Applaudissements à gauche. - Rumeurs à droite.)

L'intelligente et généreuse population parisienne sait cela, voyez-vous, et, je le dis sans comprendre que de telles paroles puissent éveiller des murmures, Paris offrira ce grand et instructif spectacle que si le gouvernement est révolutionnaire, le peuple sera conservateur. (Bravo ! bravo ! - Rires à droite.)

Il a à conserver, en effet, ce peuple, non seulement l'avenir de la France, mais l'avenir de toutes les nations ! Il a à conserver le progrès humain dont la France est l'âme, la démocratie dont la France est le foyer, et ce travail magnifique que la France fait et qui, des hauteurs de la France, se répand sur le monde, la civilisation par la liberté ! (Explosion de bravos.) Oui, le peuple sait cela, et quoi qu'on fasse, je le répète, il ne remuera pas. Lui qui a la souveraineté, il saura aussi avoir la majesté. (Mouvement.) Il attendra, impassible, que son jour, que le jour infaillible, que le jour légal se lève ! Comme il le fait déjà, depuis huit mois, aux provocations quelles qu'elles soient, aux agressions quelles qu'elles soient, il opposera la formidable tranquillité de la force, et il regardera, avec le sourire indigné et froid du dédain, vos pauvres petites lois, si furieuses et si faibles, défier l'esprit du siècle, défier le bon sens public, défier la démocratie, et enfoncer leurs malheureux petits ongles dans le granit du suffrage universel ! (Acclamation prolongée à gauche.)

Messieurs, un dernier mot. J'ai essayé de caractériser la situation. Avant de descendre de cette tribune, permettez-moi de caractériser la loi.

Cette loi, comme brandon révolutionnaire, les hommes du progrès pourraient la redouter; comme moyen électoral, ils la dédaignent.

Ce n'est pas qu'elle soit mal faite, au contraire. Tout inefficace qu'elle est et qu'elle sera, c'est une loi savante, c'est une loi construite dans toutes les règles de l'art. Je lui rends justice. (On rit.)

L'intelligente et généreuse population parisienne sait cela, voyez-vous, et, je le dis sans comprendre que de telles paroles puissent éveiller des murmures, Paris offrira ce grand et instructif spectacle que si le gouvernement est révolutionnaire, le peuple sera conservateur. (Bravo ! bravo ! - Rires à droite.)

l a à conserver, en effet, ce peuple, non seulement l'avenir de la France, mais l'avenir de toutes les nations ! Il a à conserver le progrès humain dont la France est l'âme, la démocratie dont la France est le foyer, et ce travail magnifique que la France fait et qui, des hauteurs de la France, se répand sur le monde, la civilisation par la liberté ! (Explosion de bravos.) Oui, le peuple sait cela, et quoi qu'on fasse, je le répète, il ne remuera pas. Lui qui a la souveraineté, il saura aussi avoir la majesté. (Mouvement.) Il attendra, impassible, que son jour, que le jour infaillible, que le jour légal se lève ! Comme il le fait déjà, depuis huit mois, aux provocations quelles qu'elles soient, aux agressions quelles qu'elles soient, il opposera la formidable tranquillité de la force, et il regardera, avec le sourire indigné et froid du dédain, vos pauvres petites lois, si furieuses et si faibles, défier l'esprit du siècle, défier le bon sens public, défier la démocratie, et enfoncer leurs malheureux petits ongles dans le granit du suffrage universel ! (Acclamation prolongée à gauche.)

Messieurs, un dernier mot. J'ai essayé de caractériser la situation. Avant de descendre de cette tribune, permettez-moi de caractériser la loi.

Cette loi, comme brandon révolutionnaire, les hommes du progrès pourraient la redouter ; comme moyen électoral, ils la dédaignent.

Ce n'est pas qu'elle soit mal faite, au contraire. Tout inefficace qu'elle est et qu'elle sera, c'est une loi savante, c'est une loi construite dans toutes les règles de l'art. Je lui rends justice. (On rit.)

Tenez, voyez, chaque détail est une habileté. Passons, s'il vous plaît, cette revue instructive. (Nouveaux rires. - Très bien !)

À la simple résidence décrétée par la Constituante, elle substitue sournoisement le domicile. Au lieu de six mois, elle écrit trois ans, et elle dit : C'est la même chose. (Dénégations à droite.) À la place du principe de la permanence des listes, nécessaire à la sincérité de l'élection, elle met, sans avoir l'air d'y toucher (On rit), le principe de la permanence du domicile, attentatoire au droit de l'électeur. Sans en dire un mot, elle biffe l'article 104 du Code civil, qui n'exige pour la constatation du domicile qu'une simple déclaration, et elle remplace cet article 104 par le cens indirectement rétabli, et à défaut du cens, par une sorte d'assujettissement électoral mal déguisé de l'ouvrier au patron, du serviteur au maître, du fils au père. Elle crée ainsi, imprudence mêlée à tant d'habiletés, une sourde guerre entre le patron et l'ouvrier, entre le domestique et le maître, et, chose coupable, entre le père et le fils. (Mouvement. - C'est vrai !)

Ce droit de suffrage, qui, je crois l'avoir démontré, fait partie de l'entité du citoyen, ce droit de suffrage, sans lequel le citoyen n'est pas ; ce droit, qui fait plus que le suivre, qui s'incorpore à lui, qui respire dans sa poitrine, qui coule dans ses veines avec son sang, qui va, vient et se meut avec lui, qui est libre avec lui, qui naît avec lui pour ne mourir qu'avec lui, ce droit imperdable, essentiel, personnel, vivant, sacré (On rit à droite), ce droit, qui est le souffle, la chair et l'âme d'un homme, votre loi le prend à l'homme et le transporte à quoi ? À la chose inanimée, au logis, au tas de pierres, au numéro de la maison ! Elle attache l'électeur à la glèbe ! (Bravos à gauche. - Murmures à droite.)

Je continue.

Elle entreprend, elle accomplit, comme la chose la plus simple du monde, cette énormité, de faire supprimer par le mandataire le titre du mandant. (Mouvement.) Quoi encore ? Elle chasse de la cité légale des classes entières de citoyens, elle proscrit en masse de certaines professions libérales, les artistes dramatiques, par exemple, que l'exercice de leur art contraint à changer de résidence à peu près tous les ans.

A droite. - Les comédiens dehors ! Eh bien ! tant mieux.

Victor Hugo. - Je constate, et Le Moniteur constatera que, lorsque j'ai déploré l'exclusion d'une classe de citoyens digne entre toutes d'estime et d'intérêt, de ce côté on a ri et on a dit : Tant mieux !

A droite.  - Oui ! Oui !

M. Th. Bac. - C'est l'excommunication qui revient. Vos pères jetaient les comédiens hors de l'Église, vous faites mieux, vous les jetez hors de la société ! (Très bien ! à gauche.)

A droite.
  - Oui ! Oui !

Victor Hugo. - Passons. Je continue l'examen de votre loi : elle assimile, elle identifie l'homme condamné pour délit commun et l'écrivain frappé pour délit de presse. (A droite : Elle fait bien !) Elle les confond dans la même indignité et dans la même exclusion. (A droite : Elle a raison !) De telle sorte que si Voltaire vivait, comme le présent système, qui cache sous un masque d'austérité transparente son intolérance religieuse et son intolérance politique (Mouvement), ferait certainement condamner Voltaire pour offense à la morale publique et religieuse... (A droite : Oui ! oui ! et l'on ferait très bien l... - M. Thiers et M. de Montalembert s'agitent sur leur banc.)

M. Th. Bac.
- Et Béranger ! il serait indigne!

Autres voix. - Et M. Michel Chevalier !

Victor Hugo. - Je n'ai voulu citer aucun vivant. J'ai pris un des plus grands et des plus illustres noms qui soient parmi les peuples, un nom qui est une gloire de la France, et je vous dis : Voltaire tomberait sous votre loi, et vous auriez sur la liste des exclusions et des indignités le repris de justice Voltaire ! (Long mouvement.)

A droite.
- Et ce serait très bien ! (Inexprimable agitation sur tous les bancs.)

Victor Hugo
reprend : - Ce serait très bien, n'est-ce pas ? Oui, vous auriez sur vos listes d'exclus et d'indignes le repris de justice Voltaire (Nouveau mouvement), ce qui ferait grand plaisir à Loyola ! (Applaudissements à gauche et longs éclats de rire.)

Que vous dirai-je ? Cette loi construit, avec une adresse funeste, tout un système de formalités et de délais qui entraînent des déchéances. Elle est pleine de pièges et de trappes où se perdra le droit de trois millions d'hommes ! (Vive sensation.) Messieurs, cette loi viole, ceci résume tout, ce qui est antérieur et supérieur à la Constitution, la souveraineté de la nation. (Oui ! oui !)

Contrairement au texte formel de l'article le, de cette Constitution, elle attribue à une fraction du peuple l'exercice de la souveraineté qui n'appartient qu'à l'universalité des citoyens, et elle fait gouverner féodalement trois millions d'exclus par six millions de privilégiés. Elle institue des ilotes (Mouvement), fait monstrueux ! Enfin, par une hypocrisie qui est en même temps une suprême ironie, et qui, du reste, complète admirablement l'ensemble des sincérités régnantes, lesquelles appellent les proscriptions romaines amnisties, et la servitude de l'enseignement liberté (Bravo !), cette loi continue de donner à ce suffrage restreint, à ce suffrage mutilé, à ce suffrage privilégié, à ce suffrage des domiciliés, le nom de suffrage universel ! Ainsi, ce que nous discutons en ce moment, ce que je discute, moi, à cette tribune, c'est la loi du suffrage universel ! Messieurs, cette loi, je ne dirai pas, à Dieu ne plaise ! que c'est Tartuffe qui l'a faite, mais j'affirme que c'est Escobar qui l'a baptisée. (Vifs applaudissements et hilarité sur tous les bancs.)

Eh bien ! j'y insiste : avec toute cette complication de finesses, avec tout cet enchevêtrement de pièges, avec tout cet entassement de ruses, avec tout cet échafaudage de combinaisons et d'expédients, savez-vous si, par impossible, elle est jamais appliquée, quel sera le résultat de cette loi ? Néant. (Sensation.)

Néant pour vous qui la faites. (A droite : C'est notre affaire !)

C'est que, comme je vous le disais tout à l'heure, votre projet de loi est téméraire, violent, monstrueux, mais il est chétif. Rien n'égale son audace, si ce n'est son impuissance. (Oui ! c'est vrai !)

Ah ! s'il ne faisait pas courir à la paix publique l'immense risque que je viens de signaler à cette grande assemblée, je vous dirais : Mon Dieu ! qu'on le vote ! Il ne pourra rien et il ne fera rien. Les électeurs maintenus vengeront les électeurs supprimés. La réaction aura recruté pour l'opposition. Comptez-y. Le souverain mutilé sera un souverain indigné. (Vive approbation à gauche.)

Allez, faites ! retranchez trois millions d'électeurs, retranchez-en quatre, retranchez-en huit millions sur neuf. Fort bien, le résultat sera le même pour vous, sinon pire. (Oui ! oui !) Ce que vous ne retrancherez pas, ce sont vos fautes (Mouvement) ; ce sont tous les contresens de votre politique de compression ; c'est votre incapacité fatale (Rires au banc des ministres) ; c'est votre ignorance du pays actuel ; c'est l'antipathie qu'il vous inspire et l'antipathie que vous lui inspirez. (Nouveau mouvement.) Ce que vous ne retrancherez pas, c'est le temps qui marche, c'est l'heure qui sonne, c'est la terre qui tourne, c'est le mouvement ascendant des idées, c'est la progression décroissante des préjugés, c'est l'écartement de plus en plus profond entre le siècle et vous, entre les jeunes générations et vous, entre l'esprit de liberté et vous, entre l'esprit de philosophie et vous. (Très bien ! très bien !)

Ce que vous ne retrancherez pas, c'est ce fait invincible, que, pendant que vous allez d'un côté, la nation va de l'autre, que ce qui est pour vous l'orient est pour elle le couchant, et que vous tournez le dos à l'avenir, tandis que ce grand peuple de France, la face tout inondée de lumière par l'aube de l'humanité nouvelle qui se lève, tourne le dos au passé ! (Explosion de bravos â gauche.)

Tenez, faites votre sacrifice ! Que cela vous plaise ou non, le passé est le passé. (Bravos.) Essayez de raccommoder ses vieux essieux et ses vieilles roues ; attelez-y dix-sept hommes d'état si vous voulez. (Rire universel.) Dix-sept hommes d'état de renfort ! (Nouveaux rires prolongés.) Traînez-le au grand jour du temps présent, eh bien ! quoi ! ce sera toujours le passé ! On verra mieux sa décrépitude, voilà tout. (Rires et applaudissements à gauche. - Murmures à droite.)

Je me résume et je finis.

Messieurs, cette loi est invalide, cette loi est nulle, cette loi est morte même avant d'être née. Et savez-vous ce qui la tue ? C'est qu'elle ment ! (Profonde sensation.) C'est qu'elle est hypocrite dans le pays de la franchise, c'est qu'elle est déloyale dans 1e pays de l'honnêteté ! C'est qu'elle n'est pas juste, c'est qu'elle n'est pas vraie, c'est qu'elle cherche en vain à créer une fausse justice et une fausse vérité sociales ! Il n'y a pas deux justices et deux vérités : il n'y a qu'une justice, celle qui sort de la conscience, et il n'y a qu'une vérité, celle qui vient de Dieu ! Hommes qui nous gouvernez, savez-vous ce qui tue votre loi ? C'est qu'au moment où elle vient furtivement dérober le bulletin, voler la souveraineté dans la poche du faible et du pauvre, elle rencontre le regard sévère, le regard terrible de la probité nationale ! Lumière foudroyante sous laquelle votre oeuvre de ténèbres s'évanouit. (Mouvements prolongés.)

Tenez, prenez-en votre parti. Au fond de la conscience de tout citoyen, du plus humble comme du plus grand, au fond de l'âme - j'accepte vos expressions - du dernier mendiant, du dernier vagabond, il y a un sentiment sublime, sacré, indestructible, incorruptible, éternel, le droit ! (Sensation) ce sentiment, qui est l'élément de la raison de l'homme ; ce sentiment qui est le granit de la conscience humaine ; le droit, voilà le rocher sur lequel viennent échouer et se briser les iniquités, les hypocrisies, les mauvais desseins, les mauvaises lois, les mauvais gouvernements ! Voilà l'obstacle caché, invisible, obscurément perdu au plus profond des esprits, mais incessamment présent et debout, auquel vous vous heurterez toujours, et que vous n'userez jamais, quoi que vous fassiez ! (Non ! non !) Je vous le dis, vous perdez vos peines. Vous ne le déracinerez pas ! vous ne l'ébranlerez pas ! Vous arracheriez plutôt l'écueil du fond de la mer que le droit du cœur du peuple ! (Acclamations à gauche.)

Je vote contre le projet de loi.
(La séance est suspendue au milieu d'une inexprimable agitation.)