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                                                   Lutte sociale chez les flotteurs de bois de Clamecy

 

Lutte sociale
chez les flotteurs de bois de Clamecy
(Nièvre).




par Marc Nadaux







Depuis le Moyen-Age, les habitants du Morvan trouvent dans la proximité de la capitale parisienne un exutoire aux difficultés économiques, endémiques dans la région. Dès le XVIème siècle, ce sont ainsi les bûcherons de Clamecy qui fournissent pour une large part les Parisiens en bois de chauffage. Descendants les collines des environs, les troncs sont rassemblés au port de la ville. Portés par le courant de l'Yonne, les flotteurs se chargent alors, en une quinzaine de jours, de les acheminer jusque Paris.

Ces derniers pratiquent un métier dangereux, le flottage de nuit surtout, et harassant, le flotteur travaille nuits et jours, dirigeant son train et prenant soin de ne pas s'échouer ou de fracasser la pilasse d'un pont. Peu payés, ces ouvriers ruraux sont aux abois lorsque pointe à l'horizon une éventuelle récession. Tenus par la main puissante de la Compagnie, placés à la disposition des marchands de l'aval, leurs revendications n'aboutissent que rarement.

D'autant plus que les flotteurs sont sous l'étroite surveillance des autorités. Le ravitaillement en bois de la capitale est en effet d'importance. Le pouvoir politique prête attention à l'évolution de l'opinion dans la rue, celle-ci montrant son mécontentement en cas de pénurie de bois à l'approche des premiers froids de l'hiver. En contact avec le monde ouvrier parisien, les flotteur de Clamecy ont des idées politiques avancées au sein des campagnes. Pénétrés par le discours républicain, ils prennent ainsi à Clamecy la tête de la résistance au coup d'État de Louis-Napoléon Bonaparte au mois de décembre 1851.

Avec l'avancement du siècle, la lutte sociale se fait plus âpre. Le développement du chemin de fer amène une concurrence contre laquelle la Compagnie ne peut lutter. Les trains de bois en partance pour Paris se font donc de plus en plus rares, d'autant plus qu'un nouveau combustible, le charbon, est maintenant utilisé par les Parisiens. Bientôt c'est même l'approvisionnement de la ville de Clamecy qui est menacé. Cette profession disparaîtra avec le siècle.








Pétition des Compagnons de Rivière adressée au directeur général de la Compagnie, 1826.
Compagnie de la Haute-Yonne, augmentation des salaires, 7 mars 1859.
Une grève en 1877 : les négociants de Clamecy aux ouvriers des ports.







Pétition des Compagnons de Rivière
adressée au directeur général de la Compagnie,
1826.


 

Clamecy, barrage, 1826.


Monsieur le Comte,


Les compagnons de rivière des communes d'Armes, Clamecy, Pousseaux, Surgy, Coulanges sur Yonne, Crain, Luzy et ChâtelCensoir, ci-après nommés,

ont l'honneur de vous exposer très humblement que l'augmentation progressive des denrées de première nécessité ainsi que de la main d'œuvre, les mettent dans la nécessité de réclamer de votre humanité une augmentation proportionnée au prix actuel des choses, pour les frais de conduite et d'accommodage des trains en bois flotté, pour l'approvisionnement de Paris, augmentation d'autant mieux fondée que le prix qui leur est actuellement alloué est le même qui existait il y a près de 30 ans, tandis que le bois a subi depuis cette époque une hausse considérable. C'est donc une justice qu'ils réclament de votre humanité et c'est au chef suprême de la navigation qu'ils ont l'honneur d'adresser leur demande persuadés qu'elle ne sera pas rejetée attendu qu'elle est basée sur l'équité:. mais pouf que ces prix demeurent invariablement fixés et que chaque année il n'y ait plus de difficultés à éprouver, ils désirent qu'il soit établi un tarif qui fixe leurs salaires ainsi qu'il suit

1- pour le voyage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50 F
2 - pour ustensiles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  20 F
3 - pour la journée par train et la nourriture . . . . . . . . . . . . . . . .   4 F
4 - pour le retour par homme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15 F

Ils demandent également que les journées de conduite soient comptées du moment que le train sera fini d'accommoder et qu'il sera prêt d'aller avalant (1) qu'il leur soit donné, et ce dans l'intérêt du commerce, une 70 perche et six fers.

Voilà Monsieur le Directeur Général, ce que les Compagnons de Rivière vous supplient très humblement de leur accorder d'une manière à ce que les prix une fois établis ne souffrent plus aucune altération par la suite et que par ce moyen la classe nombreuse et utile des Compagnons de Rivière puisse exister en travaillant.

Si l'on considère que le prix qui existe aujourd'hui était le même il y a 30 ans, époque à laquelle les compagnons n'étaient pas obligés comme ils le sont aujourd'hui d'aller avalant de nuit, et les dangers plus fréquents qui en résultent, que les denrées ont doublé de prix depuis cette époque et notamment les bois, on ne pourrait louer les exposants de leur modération et nul doute que leur demande ne leur soit octroyée et qu'ils obtiendront en outre un regard favorable de Monsieur le Directeur Général sous la protection duquel ils se placent.


(suivent les noms des signataires)



1) . Naviguer vers l'aval, en descendant le courant.







Compagnie de la Haute-Yonne, augmentation des salaires, 7 mars 1859.















Une grève en 1877 : les négociants de Clamecy aux ouvriers des ports.


AUX OUVRIERS DES PORTS



Les ouvriers demandent une augmentation de prix sur le travail des bois venant par le flottage à bûches perdues sur nos Ports.

Cependant ce travail est demeuré ce qu'il était, si même il ne se présente dans des conditions plus avantageuses.

Le prix qui a subi de fréquentes et notables augmentations a fait vivre l'ouvrier dans des temps plus difficiles ; aussi ne s'explique-t-on pas comment il a été amené à se retirer brusquement du travail, sans donner même le temps au commerce d'examiner les conditions nouvelles qu'il entendait imposer.

Le commerce ne se refuserait probablement pas à étudier des réclamations faites à l'avance, soit quant au prix, soit quant au mode de travail, et à les accepter dans ce qu'elles pourraient avoir de juste et de raisonnable.

Il en tiendrait compte à l'avenir dans ses acquisitions.

Le flottage à bûches perdues aura, comme celui en trains, bientôt fait son temps.

La population ouvrière et le pays tout entier ont le plus grand intérêt à ne pas hâter le déplacement de cet élément de travail des plus importants.

C'est aux ouvriers, à ceux qui ont le plus grand intérêt à ce que les bois continuent de venir sur nos ports, que nous nous adressons pour que le travail reprenne sans plus tarder.

Que ces ouvriers se choisissent et s'associent suivant leur force et leur habileté, et ils trouveront dans le travail, ils le savent bien, le juste salaire auquel ils ont droit ; ce qui ne leur empêchera pas, s'ils le jugent à propos, de porter leurs réclamations à la connaissance du commerce, pour qu'il y soit statué en vue de l'avenir. Si les véritables travailleurs demeuraient sourds à ce que nous croyons devoir leur conseiller, ne peuvent-ils pas craindre que le commerce, poussé à bout, ne trouve le moyen de se passer de leur concours et ne provoque telle mesure qui les priverait pour l'avenir de leur principale source de travail et de profit.


Clamecy le 11 mars 1877.



BOIZANTÉ Ernest, BONNEAU Onésime, CORÉ, Inspecteur des porta, CHARON, employé, FOUROT, GOURLOT, garde port, JOACHIM-CORRE. LEBERT, garde port, LÉTOUFFE, employé, MACLAUD, employé, MARIE Xavier, SURUGUE, garde port, SURUGUE Eugène, TARTRAT, agent général, VINCENT père.