La lettre d'infos


A voir et à lire
sur
19e.org,
et ailleurs.

S'abonner à la lettre d'infos
 

 L'actualité
sur 19e.org

 
 

 A voir sur le Web

     Vous êtes ici :   Accueil   Documents   La vie économique                                                      Contact
                                 Loi relative à l’établissement des grandes lignes de chemin de fer, 1842

 

Loi relative à l’établissement
des grandes lignes de chemin de fer,
1842.



par Marc Nadaux







Dès 1830, est exploitée en Angleterre la première ligne de chemin de fer qui relie Manchester à Liverpool. Celle-ci est desservie par la fameuse Rocket de l'ingénieur Stephenson. Le développement des échanges impose  en effet la mise en oeuvre de nouveaux moyens de communication et l'invention de la machine à vapeur permet dès les premières décennies du siècle de répondre sur terre, comme sur mer aux besoins nouveaux issus de l'industrialisation.

En France également, les autorités, comme les élites locales, sont conscients des enjeux nouveaux inhérents à la circulation des biens et des marchandises. En témoignent le classement des routes, la construction de nombreux ponts, sans oublier la poursuite du creusement des canaux et autres voies navigables. La Monarchie de Juillet poursuit cet effort - séculaire - de modernisation du royaume. 

 Le chemin de fer en est la pierre d'achoppement. Décrié par certains hommes de sciences - les médecins mettent en garde contre l'impossibilité de respirer dans les tunnels, les désordres liés à l'accélération et à la trop rapide succession des paysages ... - , son installation est l'objet d'un débat public passionné. A la Chambre, un entrepreneur libéral comme le comte de Morny, récemment élu député du Puy-de-Dôme, comme le poète Lamartine se retrouve afin de défendre le projet de création des Compagnies.

Ainsi, une dizaine d'années après le grand voisin anglais, la France va se doter d'un réseau de voies ferrés confié à quelques grandes sociétés financières, dont la Compagnie des Chemins de fer du Nord. Comme le prévoit la loi du 11 juin 1842, ce dernier reproduira le schéma étoilé des grandes routes royales, héritage de l'Ancien Régime. Paris, capitale politique et économique, en sera le centre définitif.  








Loi relative à l’établissement
des grandes lignes de chemin de fer.



Au palais de Neuilly, le 11 juin 1842.


LOUIS-PHILIPPE, ROI DES FRANÇAIS, à tous présents et à venir, SALUT.

Nous avons proposé, les Chambres ont adopté, NOUS AVONS ORDONNE ET ORDONNONS ce qui suit :


TITRE 1er

Dispositions générales


     ARTICLE 1er

Il sera établi un système de chemins de fer se dirigeant,

1. De Paris :

. Sur la frontière de Belgique, par Lille et Valenciennes ;
. Sur l’Angleterre, par un ou plusieurs points du littoral de la Manche, qui seront ultérieurement déterminés ;
. Sur la frontière d’Allemagne, par Nancy et Strasbourg ;
. Sur la Méditerranée, par Lyon, Marseille et Cette ;
. Sur la frontière d’Espagne, par Tours, Poitiers, Angoulême, Bordeaux et Bayonne ;
. Sur l’Océan, par Tours et Nantes ;
. Sur le centre de la France, par Bourges ;

2. De la Méditerranée sur le Rhin, par Lyon, Dijon et Mulhouse ;

De l’Océan sur la Méditerranée, par Bordeaux, Toulouse et Marseille.

     ARTICLE 2

L’exécution des grandes lignes de chemin de fer définies par l’article précédent aura lieu par le concours :

. De l’État
. Des départements traversés et des communes intéressées,
. De l’industrie privée,
. Dans les proportions et suivant les formes établies par les articles ci-après.

Néanmoins ces lignes pourront être concédées en totalité ou en partie à l’industrie privée, en vertu de lois spéciales et aux conditions qui seront alors déterminées.

     ARTICLE 3

Les indemnités dues pour les terrains et bâtiments dont l’occupation sera nécessaire à l’établissement des chemins de fer et de leurs dépendances seront avancées par l’État, et remboursées à l’État, jusqu’à concurrence des deux tiers, par les départements et les communes.
Il n’y aura pas lieu à indemnité pour l’occupation des terrains ou bâtiments appartenant à l’État.
Le Gouvernement pourra accepter les subventions qui lui seront offertes par les localités ou les particuliers, soit en terrains, soit en argent.

     ARTICLE 4

Dans chaque département traversé, le conseil général délibérera,

1 . Sur la part qui sera mise à la charge du département des deux tiers des indemnités, et sur les ressources extraordinaires au moyen desquelles elle sera remboursée en cas d’insuffisance des centimes facultatifs ;
2 . Sur la désignation des communes intéressées, sur la part à supporter par chacune d’elles, en raison de son intérêt et de ses ressources financières.

Cette délibération sera soumise à l’approbation du Roi.

     ARTICLE 5

Le Tiers restant des indemnités de terrains et bâtiments, les terrassements, les ouvrages d’art et stations, seront payés sur les fonds de l’État.

     ARTICLE 6

La voie de fer, y compris la fourniture du sable, le matériel et les frais d’exploitation, les frais d’entretien et de réparation du chemin , de ses dépendances et de son matériel, resteront à la charge des compagnies auxquelles l’exploitation du chemin sera donnée à bail.
Ce bail réglera la durée et les conditions d’exploitation, ainsi que le tarif des droits à percevoir sur le parcours ; il sera passé provisoirement par le ministre des travaux publics, et définitivement approuvé par une loi.

     ARTICLE 7

A l’expiration du bail, la valeur de la voie de fer et du matériel sera remboursée, à dire d’experts, à la compagnie par celle qui lui succédera, ou par l’État.

     ARTICLE 8

Des ordonnances royales régleront les mesures à prendre pour concilier l’exploitation des chemins de fer avec l’exécution des lois et règlement s sur les douanes.

     ARTICLE 9

Des règlements d’administration publique détermineront les mesures et les dispositions nécessaires pour garantir la police, la sûreté, l’usage et la conservation des chemins de fer et de leurs dépendances.



TITRE 2

Dispositions particulières


     ARTICLE 10

Une somme de quarante-trois millions francs (43.000.000 f.) est affectée à l’établissement des chemins de fer de Paris à Lille et Valenciennes, par Amiens, Arras et Douai.

     ARTICLE 11

Une somme de onze millions cinq cent milles francs (11.500.000 f.) est affectée à la partie du chemin de fer de Paris à la frontière d’Allemagne, comprise entre Hommarting et Strasbourg.

     ARTICLE 12

Une somme de onze millions de francs (11.000.000 f.) est affectée à l’établissement de la partie commune aux chemins de fer de Paris à la Méditerranée et de la Méditerranée au Rhin, comprise entre Dijon et Chalons.

     ARTICLE 13

Une somme de trente millions de francs (30.000.000 f.) est affectée à l’établissement de la partie commune aux chemins de fer de Paris à la Méditerranée, comprise entre Avignon et Marseille, par Tarascon et Arles.

     ARTICLE 14

Une somme de dix sept millions de francs (17.000.000 f.) est affectée à l’établissement de la partie commune aux chemins de fer de Paris à la frontière d’Espagne et de Paris à l’Océan, comprise entre Orléans et Tours.

     ARTICLE 15

Une somme de douze millions de francs (12.000.000 f.) est affectée à l’établissement de la partie du chemin de fer de Paris au centre de la France, comprise entre Orléans et Vierzon.

     ARTICLE 16

Une somme de un millions cinq cent milles francs (1.500.000 f.) est affectée à la continuation et à l’achèvement des études des grandes lignes de chemins de fer.

     ARTICLE 17

Sur les allocations mentionnées aux articles précédents, et s’élevant ensemble à la somme de cent vingt-six millions de francs (126.000.000 f.), est ouvert au ministre des travaux publics, sur l’exercice 1842, un crédit de, savoir :

. Pour le chemin de fer de Paris à la frontière de la Belgique, dans la partie comprise entre Paris et Amiens : 4.000.000 f..
. Pour la partie du chemin de fer de Paris à la frontière d’Allemagne, comprise entre Strasbourg et Hommarting : 1.500.000 f..
. Pour la partie commune aux chemins de fer de Paris à la Méditerranée et de la Méditerranée au Rhin, entre Dijon et Chalons : 1.000.000 f..
. Pour la partie du chemin de Paris à la Méditerranée, comprise entre Avignon et Marseille : 2.000.000 f..
. Pour la partie commune aux chemins de Paris à la frontière d’Espagne, et de Paris à l’Océan, entre Orléans et Tours : 2.000.000 f..
. Pour la partie commune du chemin de Paris au centre de la France, comprise entre Orléans et Vierzon : 1.500.000 f..
. Pour la continuation des études : 1.000.000 f..

TOTAL ÉGAL : 13.000.000 f..

Et sur l’exercice 1843, un crédit de, savoir :

. Pour le chemin de fer de Paris à la frontière de la Belgique : 8.000.000 f..
. Pour la partie du chemin de fer de Paris à la frontière d’Allemagne, entre Strasbourg et Hommarting : 3.500.000 f..
. Pour la partie commune aux chemins de fer de Paris à la Méditerranée et de la Méditerranée au Rhin, entre Dijon et Chalons : 2.000.000 f..
. Pour la partie du chemin de Paris à la Méditerranée, comprise entre Avignon et Marseille : 6.000.000 f..
. Pour la partie commune aux chemins de Paris à la frontière d’Espagne, et de Paris à l’Océan, entre Orléans et Tours : 6.000.000 f..
. Pour la partie commune du chemin de Paris au centre de la France, comprise entre Orléans et Vierzon : 3.500.000 f..
. Pour la continuation des études : 500.000 f..

TOTAL ÉGAL : 29.500.000 f..



TITRE 3

Voies et moyens


     ARTICLE 18

Il sera pourvu provisoirement, au moyen des ressources de la dette flottante, à la portion des dépenses autorisées par la présente loi, qui doivent demeurer à la charge de l’État ; les avances du trésor seront définitivement couvertes par la consolidation des fonds de réserve de l’amortissement, qui deviendront libres après l’extinction des découvertes des budgets des exercices 1840, 1841, 1842.



TITRE 4

Disposition finale


     ARTICLE 19

Chaque année, il sera rendu aux Chambres, par le ministre des travaux publics, un compte spécial des travaux exécutés en vertu de la présente loi.



La présente loi, discutée, délibérée et adoptée par la Chambre des Pairs et parcelle des Députés, et sanctionnée par nous cejourd’hui, sera exécutée comme loi de l’État.

DONNONS EN MANDEMENT à nos Cours et tribunaux, Préfets, Corps administratifs, et tous autres, que les présentes ils gardent et maintiennent, fassent garder, observer et maintenir, et, pour les rendre plus notoire à tous, ils les fassent publier et enregistrer partout où besoin sera, et, afin que ce soit chose ferme et stable à toujours, nous y avons fait mettre notre sceau.


Fait au palais de Neuilly, le 11 juin 1842.



Signé, LOUIS-PHILIPPE.


Vue et scellé du grand sceau :


Le Garde des sceaux de France, Ministre Secrétaire d’état au département de la justice et des cultes,

Signé, N. Martin (du Nord).


Le Ministre Secrétaire d’état des travaux publics,

Signé, J. B. Teste.