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                                                                           Établissement d'un évêché à Alger, 1838    

 

La France et le monde


Établissement d'un évêché à Alger,
1838.



par Marc Nadaux


 





En difficulté dans ses affaires de politique intérieure, le gouvernement de Charles X décide d'une expédition au-delà de la Méditerranée, à Alger. Les prétextes sont multiples qui justifient l'entreprise : mettre fin à la présence des pirates barbares, permettre la délivrance des esclaves chrétiens dans la région, laver l'affront fait par le Dey au Consul Delval en 1827... Sous le commandement de Bourmont, Alger tombe le 5 juillet 1830. C'est donc la Monarchie de Juillet qui hérite de la situation. Le général Clauzel poursuit l'entreprise de colonisation. Des terres sont conquises, des accords de protectorat conclus avec les chefs de tribus locales. En 1834, 10.000 Européens sont installés en Algérie, année où, le 22 juillet, une ordonnance royale donne à l'ancienne réserve d'Alger le nom de Possessions françaises dans le Nord de l'Afrique. Les troupes françaises se heurtent cependant à la vive résistance de l'émir Abd el-Kader. Celle-ci ne cessera définitivement qu'en 1847. Le 20 mai 1837 cependant, ce dernier conclut avec le général Bugeaud une trêve, qui durera deux années, avec le traité de la Tafna.

L'année suivante, profitant de la relative paix dans l'Algérois, est créé un évêché à Alger. Il est ainsi à noter que l
a situation difficile de l’Église catholique en Europe, en France en particulier, ne doit pas occulter l’important effort missionnaire réalisé sous le pontificat de Grégoire XVI. Le pape poursuit à cette époque l’œuvre commencée par le cardinal Capellari au sein de la Sainte Propagande. Il relance la Propagation de la Foi à partir de 1840. Des missionnaires sont alors envoyés sur tous les continents. En Afrique notamment, ils vont suivre les troupes militaires qui prennent possession de ces territoires. S'ajoutent bientôt de nouvelles créations d'évêchés. A Alger cependant, si le rétablissement du pouvoir spirituelle est ancien, il faut attendre 1867 et la nomination de Mgr Lavigerie à Alger pour voir se rompre la traditionnelle politique d’indifférence envers les populations musulmanes. Selon le nouveau prélat, le prêtre ne doit plus seulement être l’aumônier des Européens. Dès l'année qui suit son installation, il fonde ainsi la Société des missionnaires d’Afrique, les " Pères blancs ".salons mondains .








Ordonnance royale relative à l’établissement d’un évêché à Alger.



A Paris, le 25 août 1838,


LOUIS-PHILIPPE, Roi des Français, à tous présents et à venir, salut.


Sur le rapport de notre Garde des Sceaux, ministre secrétaire d’État au département de la justice et des cultes ;
Vu l’article 1er de la loi du 8 avril 1802 (18 germinal an X) ;
Notre Conseil d’État entendu,


NOUS AVONS ORDONNE ET ORDONNONS ce qui suit :


Art. 1er : Les possessions françaises dans le Nord de l’Afrique formeront à l’avenir un diocèse suffragant de la métropole d’Aix.
Le siège épiscopal sera établi à Alger.

2. La bulle donnée à Rome, sur notre demande, le 9 août 1838, pour l’érection et la circonscription de l’évêché d’Alger, est reçue et sera publiée dans le royaume dans la forme accoutumée.

3. Laditte bulle est reçue sans approbation des clauses, formules ou expressions qu’elle renferme, et qui sont ou pourraient être contraires à la charte constitutionnelles, aux lois du royaume, aux franchises, libertés et maximes de l’église gallicane.

4. Elle sera transcrite en latin et en français sur les registres de notre Conseil d’État ; mention de ladite transcription sera faite sur l’original par le secrétaire général du Conseil.

5. Notre Garde des Sceaux, ministre secrétaire d’État au département de la justice et des cultes, et notre ministre d’état au département de la guerre, sont chargés, chacun en ce qui concerne, de l’exécution de la présente ordonnance, qui sera insérée au Bulletin des lois.


Signé LOUIS-PHILIPPE


Par le Roi,
Garde des Sceaux, ministre secrétaire d’État au département de la justice et des cultes,
Barthes.






GRÉGOIRE, SERVITEUR DES SERVITEURS DE DIEU.



Pour en conserver le perpétuel souvenir.


Par un dessein de la divine bonté, il arrive quelquefois que, pour adoucir la douleur dont notre âme est navrée à l’aspect déplorable de l’état présent de la religion, il s’offre à Nous quelques heureuses occasion de nous réjouir dans le Seigneur au milieu des soins multipliés de notre souverain pontificat. Aussi en rendant, au Dieu auteur de tous biens, de justes actions de grâces, nous livrons-nous à l’espoir que notre zèle et nos travaux pour le plus grand avantage de l’église catholique, aidés de ce puissant secours, seront fécondés de jour en jour par des fruits plus abondants.
Nous avons goûté ce bonheur, nous avons conçu cet espoir, lorsque notre très cher fils en Jésus-Christ, Louis-Philippe, le Roi très chrétien des Français, nous a manifesté le pieux et ardent désir de voir, pour l’affermissement, l’honneur et l’accroissement de la religion catholique, ériger dans la province de Julia Caesarea, vulgairement dite Algérie, soumise par les armes victorieuses des Français, un siège épiscopal institué sur le modèle des autres diocèses du royaume de France. Ce zèle du Roi très chrétien pour l’église catholique nous a fait éprouver une joie bien vive ; car, outre l’avantage et l’utilité que la religion retirer de l’érection de ce siège épiscopal, nous sentons profondément ce que nous devons en attendre pour le rétablissement si désiré des anciens évêchés d’Afrique.
Lorsque nous nous rappelons, en effet, les églises de Carthage et d’Hippone, l’une illustrée par le sang du martyr Cyprien, l’autre qui a acquis tant de gloire par la sainteté et le savoir d’Augustin ; lorsque nous reportons nos souvenirs sur les autres et nombreuses églises d’Afrique honorées par le zèle et la doctrine de leurs évêques, célèbres par la fréquente réunion des conciles, glorifiées enfin par la piété et l’inébranlable fermeté des fidèles qui aimèrent mieux braver la mort que d’abjurer la vraie foi de Jésus-Christ. Cette pensée nous réjouit et soutient notre espoir que toute l’Afrique, avec l’aide de Dieu, sera un jour rétablie dans son ancienne gloire et splendeur. Telle doit être notre attente, si nous mesurons notre espérance à d’aussi brillants débuts.
Julia Caesarea, vulgairement appelée Alger, que les uns supposent avoir été l’ancienne Ruscurium, d’autres Icosium, doit être considérée comme la plus importante des viles d’Afrique, soit par l’antiquité de ses origines, soit par ses richesses et le nombre de ses habitants. Cette ville célèbre, qui a donné son nom à tout l’empire d’Alger, a étendu sa domination sur de très vastes formés de l’ancienne Numidie et Maurétanie. Mais plus la puissance d’Alger sous les Sarrasins et les Turcs étendait son empire, plus était dure et déplorable, dans ces contrées, la condition des Chrétiens. Bien qu’en effet les pontifes romains, dont la suprême puissance et la paternelle sollicitude pour toutes les églises ne sont circonscrites par aucune limite, aient consacrés les soins les plus assidus aux Chrétiens établis dans ces contrées, et se soient appliqués à ramener vers la vérité et la lumière de l’église catholique ceux qui marchaient dans les ténèbres et dans l’ombre de la mort, on peut néanmoins aisément comprendre combien d’obstacles arrêtaient le sacré ministère sous le gouvernement farouche et superstitieux des infidèles, et quels faibles fruits pouvaient recueillir de leurs travaux les prêtres de l’Évangile envoyés dans ces lieux par notre congrégation de la Propagande.
Mais enfin a brillé cet heureux jour, objet des vœux de tous les gens de bien, où les troupes intrépides de la France ont soumis Alger à leur puissance, où la religion catholique a paru remporter le plus brillant triomphe sur leurs ennemis du nom chrétien. La face des choses a été tout a fait changée : il a été permis de prêcher le Christ crucifié : un libre et sur accès a été ouvert aux ouvriers de l’Évangile :il a été donné à chacun d’avouer la religion chrétienne et de la professer librement en présence tous. Et pour augmenter et combler la joie de notre âme, un grand temple d’Alger, qui pendant longtemps avait célébrer les rites profanes et monstrueux de l’Alcoran, purifié par les saintes cérémonies de l’église, consacré par le signe salutaire de notre religion et par l’image de la Vierge, mère de Dieu, exposée la vénération des fidèles, est réservé désormais à leurs réunions sacrées.

Secondant ainsi avec un grand empressement les vœux et les demandes déjà énoncées du Roi très-chrétien des Français, ayant concerté avec lui toutes choses, et après une mure délibération, pour la gloire de Dieu et de Jésus-Christ, sont fils, notre sauveur, dont, malgré notre indignité, nous tenons la place sur la terre, pour l’exaltation de l’église militante, de notre certaine science, de notre propre mouvement, dans la plénitude de notre pouvoir apostolique, nous exemptons et délivrons à perpétuité de la juridiction, ordinaire de tout pouvoir ecclésiastique supérieur Julia Caesarea et tout le territoire dont se composait autrefois l’état appelé vulgairement Régence d’Alger, ainsi que toutes les églises particulières, les couvents de religieux et les pieuses congrégations, s’il en existe quelques-unes, tous les habitants de l’un et l’autre sexe, tant clercs que laïcs, enfin les prêtres de tout grade, ordre, état et condition.
Ayant ainsi réglé lesdites divisions, substraction et exemption, nous érigeons et instituons en siège épiscopal, avec officialité et chancellerie ecclésiastique, le territoire ou la ville de Julia Caesarea, appelée vulgairement Alger, situés en Afrique sur les bords de la mer Méditerranée ; nous lui accordons tous les droits, honneurs et prérogatives dont jouissent les autres villes épiscopales et leurs citoyens dans le royaume de France. Nous élevons aux honneurs d’église cathédrale, l’église principale située dans ladite ville de Julia Caesarea, et qui substituera à l’avenir sous l’invocation de saint Philippe, apôtre ; et par la même autorité apostolique, nous instituons dans ladite église le siège et la dignité pontificale pour un évêque, qui sera nommé évêque d’Alger, avec le droit de gouverner l’église, ainsi que le clergé et le peuple ; de convoquer le synode, de tenir et d’exercer tous les droits, offices et fonctions épiscopales ; de jouir des insignes, droits, honneurs, prééminences, grâces, faveurs, indults, juridictions et prérogatives qui appartiennent aux autres cathédrales du royaume de France et à leurs pontifes (pourvu qu’ils n’en aient aucun qui leur ait été attribué par un indult ou privilège particulier).
Nous soumettons à la juridiction métropolitaine de l’archevêque d’Aix ladite église épiscopale de Julia Caesarea, dédiée à saint Philippe, apôtre, érigée ci-dessus en cathédrale ; et nous voulons qu’elle jouisse de tous les pouvoirs, exemptions, prérogatives et droits qui appartiennent ou pourront appartenir aux autres suffragants de la métropole d’Aix ; nous voulons et prescrivons que le revenu de cette nouvelle église soit taxé à trois cent soixante et dix florins d’or de camera, et que cette taxe soit consignée au registre de la chambre apostolique et du sacré collège.
Ayant ainsi érigé l’église cathédrale de Julia Caesarea ou d’Alger, voulant pour l’avenir assigner un diocèse à son évêque, nous attribuons et désignons pour le diocèse du nouvel évêché d’Alger, avec les églises qui peuvent s’y trouver. Nous soumettons la juridiction ordinaire, régime, pouvoir et suprématie du nouvel évêque de Julia Caesarea et de ses successeurs, ledit territoire, les églises qui s’y trouvent, les couvents ou monastères qui s’y trouvent ou pourront s’y trouver, toutes les personnes de l’un et l’autre sexe, tant prêtres que laïcs, de tout état, grade, conditions ; nous lui assignons également et attribuons à perpétuité lesdits territoire, ville, clergé et peuple.
Et afin que le futur évêque de Julia Caesarea, ainsi que ses successeurs, puissent soutenir décemment sa dignité, et convenablement pourvoir le vicaire général et la chancellerie et officialité épiscopales, nous assignons à perpétuité à la mense épiscopale la dotation que le Roi très-chrétien accordera, selon sa promesse ; nous assignons et attribuons de même à perpétuité à la fabrique de la nouvelle cathédrale la dotation que le Roi très-chrétien doit lui fournir ; nous assignons également à l’évêque d’Alger les bâtiments qui doivent servir d’habitation au futur évêque et à la chancellerie épiscopale ; lesdits bâtiments devront être décents et commodes, et construits aussi près qu’il sera possible de l’église cathédrale ; et, à leur défaut, il sera pourvu aux frais nécessaires pour la location du bâtiment qui en tiennent lieu. Quant à l’érection du chapitre de l’église cathédrale, à l’érection et à la dotation d’un séminaire ecclésiastique, qui, conformément aux règles du concile de Trente, doit être établi pour l’instruction religieuse et scientifique du clergé, le Roi très-chrétien y pourvoira dans sa piété, autant que le permettront les circonstances des lieux et des temps, et selon qu’il est ordinairement accordé aux autres églises cathédrales et séminaires ecclésiastiques du royaume de France.

Notre très-cher fils Louis-Philippe, le Roi très-chrétien des Français, ainsi que ses successeurs, tant qu’ils persisteront dans leur pleine obédience au siège apostolique, pour cette première fois comme pour les autres vacances du siège, nommera et présentera, ainsi qu’il se pratique pour les autres diocèses de France, des ecclésiastiques propres à gouverner cette église cathédrale, pur être institués évêques tant par nous que par nos successeurs. En conséquence, pour l’érection dudit évêché et pour l’entier accomplissement de tout ce qui est prescrit ci-dessus, nous chargeons de l’exécution des présentes notre cher fils maître Antoine Garibaldi, internonce apostolique près du Roi très-chrétien ; nous lui donnons tous les pouvoirs à ce nécessaires, pour qu’il puisse, soit par lui, soit par toutes autres personnes constituées en dignité ecclésiastique, tout régler et ordonner, afin que les décrets ci-dessus reçoivent leur plein effet ; nous donnons audit mandataire, ou à son subdélégué, tout pouvoir de prononcer définitivement et régulièrement sur toute opposition qui pourrait s’élever sur l’exécution des présentes, de quelque manière qu’elle puisse naître, en rejetant tout appel à ce contraire, nous lui recommandons et mandons que dans les six mois de l’exécution des présentes, il ait soin d’envoyer exactement au siège apostolique une copie, rédigée en due forme, de tous les décrets qu’il aura rendus pour l’exécution des présentes, et voulons que ladite copie soit conservée aux archives de notre congrégation des affaires consistoriales. Nous voulons que les présentes lettres et tout ce qui est contenu en icelles, alors que même que ceux qu’elles intéressent ou pourraient intéresser n’auraient point été appelés ou entendus ou n’y auraient point consentis, ne puissent, en aucun temps, être attaqués ou controversés sous aucun prétexte de subreption, obreption, vice de nullité ou défaut de notre volonté ; mais soient à tous jamais valides et efficaces, et reçoivent leur plein et entier effet, et déclarons nul et de nul effet tout ce qui sciemment, ou autrement pourrait être fait de contraire par les juges ordinaires quels qu’ils soient, par les auditeurs délégués du palais apostoliques, par les nonces du Saint-Siège, et par les cardinaux de la très-sainte église romaine de quelques autorité qu’ils soient revêtus, interdisant à tous et à chacun d’eux le pouvoir de juger et interpréter autrement, nonobstant tout prétexte de droit acquis, toute plainte en démembrement des églises, tout appel des parties intéressées, toutes règles pontificales et de la chancellerie apostolique, tout décret de dernier concile de Latran, enfin tout ce qui serait contraire aux présentes, même dans les édits des synodes provinciaux, des conciles universels, des constitutions et ordonnances apostoliques spéciales ou générales, ou autres choses quelconques. Voulons qu’en tous lieux, en jugement ou autrement, copies des présentes, alors même qu’elles ne porteraient que la subscription d’un notaire public et la signature d’une personne constituée en dignité ecclésiastique, obtiennent même foi et obéissance que si l’original était représenté.

Qu’il ne soit donc permis à personne d’enfreindre les présentes, ou d’entreprendre s’y opposer témérairement en tout en ce qui concerne le démembrement, la division, l’érection d’évêchés ou les subjections ; commissions, députations, mandats, dérogations et volontés qui y sont exprimées. Quiconque se permettra un tel attentat aura encouru, qu’il le sache bien, l’indignation de Dieu tout-puissant, et de ses bienheureux apôtres Pierre et Paul. Donné à Rome, à Sainte-Marie-Majeure, l’année de l’incarnation de Notre-Seigneur 1838, le 4e jour avant les ides d’août, et la 8e année de notre pontificat.


(L.S.)

Signé E.Card. DE GREGORIO.