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VICTORIA 1ère 

(Londres , 24 mai 1819 -
Osborne, île de Wright, 22 janvier 1901)




Anglaise
.

Homme politique.



par
Marc Nadaux


 

     Quelques dates :

1837, hérite du trône d'Angleterre.
         choisit de s’installer à Buckingham, le New Palace de Londres.
1840, épouse son cousin, le prince Albert de Saxe-Cobourg-Gotha.
1843, visite au château de Eu, propriété du roi des Français Louis-Philippe.
1849, en Irlande, touchée par une terrible famine.
1855, Napoléon III effectue d’une visite à Londres.
1876, sacrée Impératrice des Indes.
1887, fête son jubilee, ses cinquante années de règne sur l’Angleterre, le Royaume-Uni et l’Empire.

 






Victoria naît à Londres en 1819. Elle est la fille unique d'Édouard, duc de Kent, lui-même quatrième fils du roi d'Angleterre George III, et de Victoria de Saxe-Cobourg-Gotha. Son père, après avoir assuré quelques commandements militaires infructueux outre-Atlantique puis subit une mutinerie à Gibraltar, est rappelé en 1803 en Angleterre. Le royaume est alors dirigé par le prince de Galles, qui assure la régence depuis 1811, année où le roi a été déclaré fou par le Parlement. Le duc de Kent vit à présent retiré dans sa propriété d’Ealing. Se piquant de libéralisme et fréquentant le socialiste Richard Owen, il s’exile à Bruxelles au mois d’août 1816 afin d’échapper à ses dettes. Le 29 mai 1818 et à l’âge de 51 ans, le duc de Kent épouse enfin au château de Cobourg Victoria de Leiningen, régente de la petite principauté d’Amorbach. Le duc, malgré son genre de vie particulier, est un beau parti : il pourrait bien régner un jour sur l’Angleterre.

L’année suivante, le 24 mai 1819, le couple met au monde une fille, prénommée Victoria Alexandrina. Drina sera d’ailleurs son petit nom d’enfant. Afin de s’éloigner des fastes de la cour et des créanciers, ils s’installent ensemble dès le mois de décembre suivant à Woolbrook Cottage, un pavillon situé dans la station balnéaire de Sidmouth. C’est là que le duc de Kent décède quelques temps plus tard. A la mort du roi George III, le prince de Galles, son fils aîné lui succède sous le nom de Georges IV et est couronné le 19 juillet 1821. De retour à Kensington, Victoria est confiée aux bons soins d’une nurse britannique, Mrs Brooks, qui détonne au milieu de l’entourage germanique de sa mère. Différents professeurs – de français, d’écriture, de danse, de musique et de dessin - assurent ensuite son éducation, comme il sied à une princesse d’Angleterre. Dans ce but d’ailleurs, le Parlement vote en 1825 une allocation de 6.000 livres attribuée à la famille de Kent. Lors de ses rares séjours à la cour, l’enfant amuse le roi son oncle qui se prend d’affection pour elle. A sa mort, le 26 juin 1830, son frère William, duc de Clarence, monte sur le trône.

Guillaume IV est usé par les ans. De plus, ne sont issues de son existence dissolue que des naissances illégitimes, au nombre de dix. Aussi la succession à la couronne se précise pour Victoria, à l’époque âgé de onze ans. Désormais son emploi du temps se fait très strict car l’adolescente doit se former au métier de reine. Les leçons se succèdent, à raison de six heures par jour. Victoria est également contrainte de se plier aux tournées organisées dans le royaume par sa mère, la duchesse de Kent, et par John Conroy, l’ancien écuyer irlandais du duc, devenu l’intendant de la maison. A la mort de Guillaume IV, Victoria hérite enfin du trône d'Angleterre. En compagnie de Lord Melbourne, le premier ministre au pouvoir depuis quatre années et reconduit dans ses fonctions, la nouvelle reine se présente, le 21 juin 1837, à la fenêtre du palais St James où son règne est proclamé. Âgée seulement de 18 ans au moment où lui sont confiées les destinées de l’Angleterre, Victoria doit à présent lutter pour faire oublier le discrédit porté sur la monarchie par ses prédécesseurs et rapidement compenser son inexpérience politique et le handicap de sa jeunesse.



Très pieuse, dotée d'un tempérament sévère, Victoria fait adopter à la cour un nouveau style empreint d'austérité, qui contraste avec les excès des décennies précédentes. Le 10 février 1840, elle épouse son cousin, le prince Albert de Saxe-Cobourg-Gotha, qui lui aussi imprime sa marque à l’entourage de la reine. Un premier enfant naît de leur union dès l’année suivante, qui sera suivi par huit autres jusqu’en 1857. Ceux-ci s’uniront aux familles régnantes d’Europe. Victoria choisit de s’installer à Buckingham, le New Palace de Londres, un palais acquis auprès du duc de Buckingham par Georges III et agrandi par son successeur. Régulièrement, la famille royale se rend en villégiatures au château d’Osborne, un manoir de l’île de Wright édifié en 1846. Désireuse de restaurer le prestige de la couronne britannique, la nouvelle reine est toute entière à sa fonction. Bénéficiant des conseils éclairés de son mari, qui sera honoré du titre de prince consort le 25 juin 1857, elle reçoit ses ministres le matin pour se consacrer ensuite à ses plaisirs, monter à cheval en particulier, ou aux contraintes de la maternité. Toutefois, la reine d’Angleterre ne peut agir qu'à l'intérieur d'un cadre constitutionnel précis, celui de la monarchie parlementaire qui s’est imposée au siècle précédant. Usant de l’autorité inhérente à la qualité de sa charge, elle sait cependant exercer une influence décisive, sans toutefois outrepasser les prérogatives du Parlement, celles de ses ministres.

Victoria fait abstraction de ses sentiments personnels dans le choix de celui qui conduit la politique de l’Angleterre. Ainsi, au mois d’août 1841, à Lord Melbourne succède le leader du parti tory, sir Robert Peel. Celui-ci est à l'origine de la relance d'une ambitieuse politique extérieure à caractère colonial. Après le règlement de la Question d’Orient avec la signature de la Convention des détroits, le 15 juillet 1841, l’année suivante voit s’achever la Guerre de l’Opium à l’avantage du Royaume-Uni. Commencé au mois de mars 1839 alors que Lord Palmerston est à la tête du Foreign Office, le conflit victorieux ouvre au commerce anglais les portes du marché chinois. Enfin, avec l’adoption par la Chambre des Communes du projet d'impôt sur le revenu, sir Robert Peel assaini les finances du royaume. Plus que jamais, celui-ci impose sa suprématie diplomatique sur le vieux continent. Du 2 au 7 septembre 1843, une visite de la reine Victoria au château de Eu, propriété du roi Louis-Philippe en Normandie, permet d’affirmer les bonnes relations avec le voisin français. Ce séjour est historique car depuis Henri VIII et son entrevue au Camp du Drap d’Or avec le roi François Ier, aucun souverain anglais n’avait foulé le sol de France. Poursuivant son voyage, Victoria rend ensuite visite à la Belgique, ayant récemment acquis son indépendance.

Au tournant du siècle, le Royaume-Uni est sans rival sur le plan économique et mérite son surnom d’" atelier du monde ". Il bénéficie d’une avance technologique dans les secteurs clés de l’industrie, le textile et la sidérurgie. Cette activité motrice du développement est soutenue à l’époque par la croissance des échanges qu’amène la constitution précoce d’un réseau ferré en Angleterre. Cependant, l’industrialisation, qui est à l’origine de l’enrichissement d’une nouvelle classe d’entrepreneur, conduit, avec l’urbanisation et la constitution des Pays noirs, à la paupérisation des classes laborieuses. En 1842, la reine Victoria s’émeut de cette situation - que décrit Charles Dickens dans son Oliver Twist - et incite au vote d’une loi réglementant le travail des enfants et des femmes dans les usines. Afin de soutenir la croissance, le Premier Ministre William Peel abolit le 23 mai 1846 la Corn Law, autrement dit les lois protectionnistes protégeant le commerce des grains en Angleterre. Il inaugure ainsi une politique libre-échangiste qui se généralise aux produits manufacturés. Le 1er mai 1851, l’ouverture au Crystal Palace de Hyde Park à Londres de la première Exposition universelle, véritable fête du travail et du progrès, célèbre la réussite de la nation anglaise. En 1848, celle-ci est épargnée par l’émancipation des nationalités du Printemps des Peuples. Cependant, Lord Russel, le nouveau ministre, doit faire face au cours des années qui suivent au développement du mouvement chartiste. Avec force rassemblements et pétitions, ses sympathisants réclament un élargissement de la base censitaire de l’électorat. Le 2 août 1849, la reine Victoria pose également le pied pour la première fois en Irlande, touchée récemment par une terrible famine.



Au mois de décembre 1851, Victoria accueille favorablement la nouvelle du coup d’état de Louis-Napoléon Bonaparte. La reine et son Premier Ministre, Lord Aberdeen depuis 1852, entretiennent par la suite les relations les plus cordiales avec la France du Second Empire. En 1854, les deux nations unissent leur force en Crimée pour faire face à l’offensive russe et restaurer l’équilibre face à l’Empire ottoman. Au mois d’avril de l’année suivante, Napoléon III effectue d’ailleurs une visite à Londres, ville où il a vécu les années d’exil de sa jeunesse. En 1856 et alors que Victoria entame sa neuvième grossesse, arrive au pouvoir Lord Palmerston, un vétéran de la vie parlementaire. Si ce dernier est profondément antipathique à la reine, il n’en développe pas moins une diplomatie ambitieuse, au-delà du continent européen notamment. Aux Indes, alors que la révolte des Cipayes est enfin matée, l'E.I.C., la Compagnie des Indes britanniques, est supprimée le 19 novembre 1858 et ses droits, ses pouvoirs transférés à l’État britannique. Ceci permet d’envisager une relance de l’expansion et l’achèvement de la conquête du continent par l’armée anglaise. C'est ainsi que le 1er mai 1876, Victoria est sacrée Impératrice des Indes. Au cours de ces années cependant, l’existence de la reine d’Angleterre s’est assombrie. En 1861, décèdent à quelques mois d’intervalle la vieille duchesse douairière, mère de Victoria, puis son mari, le prince Albert. Effondrée par le chagrin, la souveraine prend alors le deuil. Elle séjourne désormais cinq mois de l’année en Écosse et trois autres dans sa résidence d’Osborne, épaulée par son valet écossais John Brown. Cependant, son fils aîné, le prince de Galles, futur Édouard VII, s’éloigne de la tristesse de cette vie à la cour et mène en France une vie scandaleuse qui indispose la reine.

Sur le continent, l’unité italienne se réalise en 1859 sous l’égide du royaume de Piémont-Sardaigne. L’équilibre européen, que s’attache à préserver les grandes puissances depuis le Congrès de Vienne, est rompu au profit de l’Allemagne de Guillaume Ier et de son chancelier Otto von Bismarck. Après l’affaire des duchés danois et le " coup de tonnerre " de Sadowa, où les armées autrichiennes sont défaites, le 3 juillet 1866, par les troupes prussiennes, l’unité allemande s’achève face à l’adversaire français, le 18 janvier 1871, dans la Galerie des Glaces du château de Versailles. L’Angleterre reste neutre face à ces événements décisifs tandis que, peu après le décès de Lord Palmerston, Lord Derby devient le nouveau Premier Ministre. Au sein de son gouvernement cependant, Benjamin Disraeli, leader du parti tory et à présent chancelier de l’Échiquier, gagne bientôt les faveurs de la reine Victoria. Le 20 mai 1866, celle-ci pose la première pierre du Royal Albert Hall, dont les crédits ont été votés à l’initiative du ministre des Finances. Pendant les deux décennies qui suivent, celui-ci dominera la vie politique anglaise en opposition avec son alter ego du parti rival, William Gladstone, avec lequel il alterne aux destinées du Royaume-Uni.

Âgé à présent de cinquante-cinq ans, Victoria, autrefois une jeune fille avide de paraître belle à la cour, est devenue une petite femme obèse. Distante car endeuillée, elle s’est éloignée du monde politique et sa popularité s’en ressent auprès des Anglais. Des relents de républicanisme venus du continent gagnent l’Angleterre où le système monarchique est de plus en plus contesté. Le 10 février 1874 voit cependant le retour de Disraeli au 10, Downing Street. Et jusqu’en 1880, le " grand ministère " qu’il dirige constitue l’apogée de l’ère victorienne. " Ce cher Dizzy " redonne à la reine Victoria le goût de la vie publique et la souveraine gagne de nouveau le cœur de ses sujets. Benjamin Disraeli renoue avec les idées de grandeur nationale. Au mois de novembre 1875, l'Angleterre accroît ainsi son influence sur l'Égypte en rachetant les actions de la Compagnie du Canal de Suez. A cette époque, l'Empire britannique connaît son apogée, puisqu'il comprend l'Afrique du Sud, le Canada, la Birmanie, l'Australie, l'Égypte, la Nouvelle-Zélande et une bonne partie de l'Afrique noire que lui dispute la France de la Troisième République. Fort de cette prééminence internationale, le Royaume-Uni peut faire triompher ses vues au Congrès de Berlin en 1878 : l’intégrité de l’Empire Ottoman, clé de la stabilité en Méditerranée et donc de la sécurité sur la route des Indes, est préservée. L’Impératrice des Indes règne ainsi sur les cinq continents et Jules Verne, un romancier d’outre-Manche, peut dans son roman Le Tour du monde en quatre-vingt jours vanter l’universalité de la livre sterling, une monnaie convertible en or. L’Angleterre demeure la première puissance économique. Alors que triomphe les thèses du libéralisme, la bourgeoisie industrielle et d'affaires très active, est servie par une législation souple. Depuis 1856, une plus grande mobilisation du capital lui est permise grâce au recours à la création de Sociétés anonymes.



Toutefois, après ces années fastes, sous la pression de la concurrence de nouvelles puissances économiques, les États-Unis et l'Allemagne, le Royaume-Uni souffre d'une profonde crise économique. La politique du libre-échange est remise en cause et le protectionnisme plus que jamais d’actualité. Certains, de plus en plus nombreux, se prononcent ainsi en faveur d’un resserrement des liens économiques entre la métropole et l'Empire, par la création d'une union douanière. Cet difficultés accélèrent l'émergence d'un mouvement ouvrier. Dès 1824, la grève est légale en Angleterre et, en 1875, l’Employers and Workmen Act interdit les poursuites judiciaires contre les ouvriers qui cessent le travail. Ceux-ci ci se mobilisent plus facilement grâce aux trade-unions, ou syndicats, qui ne sont légalement reconnus qu’en 1871. En 1867 et 1884, des réformes électorales permettent également la montée en puissance sur la scène politique britannique d'un mouvement socialiste. Et le 13 janvier 1893, Keir Hardie fonde l'Independant Labour Party, qui rompt bientôt la traditionnelle polarisation Whigs-Tories.

Avec la chute de Benjamin Disraeli, William Gladstone – "  Mr. G. " - revient au pouvoir. Ses deux ministères sont alors marqués par la radicalisation de la situation en Irlande et le double refus par le Parlement de sa proposition de Home Rule, qui constituerait un premier pas vers l’autonomie de l’île. En Afrique du Sud, après le soulèvement Zoulous de 1878 au cours duquel le prince Napoléon trouve la mort aux côtés des armées anglaises, le traité de Pretoria, signé le 9 septembre 1881, signifie la reconnaissance par le Royaume-Uni de la République Boer du Transvaal. Plus au Nord, avec les voyages d’exploration du Français Pierre Savorgnan de Brazza et la constitution à l'initiative du roi Léopold II du Congo belge en 1885, c’est l’Afrique centrale qui échappe à la domination anglaise. Celle-ci est également mise en cause en Afghanistan, un territoire pourtant sous protectorat britannique depuis le mois de mai 1879. Enfin si l’Ouganda et le Kenya sont à présent anglais, le Soudan est définitivement perdu.

Tout ceci affaiblit la monarchie auprès de l’opinion publique. Aussi Victoria se laisse convaincre par le marquis de Salisbury de fêter son jubilee, autrement dit ses cinquante années de règne sur l’Angleterre, le Royaume-Uni et l’Empire. Le 14 mai 1887, la reine parcoure ainsi sous les acclamations de la foule les rues de Londres. La capitale de son royaume est devenue en l’espace de quelques décennies une énorme métropole moderne de plus de quatre millions d’habitants. Vieillie, la reine n’en est donc pas moins toujours aussi populaire. Elle s’est à présent entourée de serviteurs hindous que domine la figure ambiguë d’Abdul, l’intrigant... C’est dans le midi de la France, à Aix-les-Bains où elle a fait l’acquisition en 1890 d’une villa, que Victoria aime maintenant à se reposer le printemps venu. En 1897 enfin, ont lieu les grandioses festivités de ses soixante années de règne. Venus de toutes les parties de l’Empire, des représentants des peuples soumis figurent auprès des souverains étrangers invités aux cérémonies.



Le 22 janvier 1901, à 18 heures trente, Victoria, la " dernière reine ", décède dans son château d’Osborne, dans l’île de Wright, à l’âge de quatre-vingt-un ans.