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Rabindranath TAGORE 

(Calcutta, 7 mai 1861 - Santiniketan, 7 août 1941)


Indien.

Ecrivain.



par Marc Nadaux


 

     Quelques dates :

1882, Nirjharer Swapna Bhanga (Le Réveil de la Source).
1912, Gitanjali est traduit en français par André Gide sous le titre de L'Offrande lyrique.
1913, reçoit en Suède le prix Nobel de littérature.
1918, fonde Visva Bharati, un centre international de culture et d'études humanistes.
1921, une autre université internationale, Sri Niketan, est fondée, plus particulièrement vouée aux recherches agronomiques.


 






Rabindranath Tagore naît le 7 mai 1861 à Calcutta, où sa famille réside depuis la fin du XVIIème siècle. Les Tagore ont fait fortune dans les affaires et la banque, après avoir fait de considérables profits en commerçant avec la British East India Company, la Compagnie des Indes britanniques. Ces notables s’ouvrent alors aux influences occidentales et Dwarkanath Tagore, le grand père de Rabindranath, brave même l'interdit religieux pour voyager en Europe. Il soutient ensuite l’action de Rammohan Roy, fondateur en 1828 du Brahma Samaj, un mouvement qui vise à réformer les mœurs et la société en Inde. Son fils Devendranath Tagore, celui que l’on surnommera plus tard le " grand sage ", que passionne la philosophie occidentale, adhère également à ce credo moderniste. En 1863, il crée un centre de méditation en un lieu appelé Santiniketan, le " havre de paix ", sur des terres lui appartenant à 150 km de Calcutta, près de Bolpur.

Tout comme ses treize frères et sœurs, Rabindranath est élevé dans ce milieu cultivé, à l’atmosphère particulière, à mi chemin entre tradition et réformisme. L’enfant commence sa scolarité dans l’une des écoles fondées par Iswar Chandra Vidyasagar. A la différence des autres établissements, l’enseignement s’y fait en bengali, et non en sanscrit ou anglais. Il fréquente par la suite quelques écoles anglaises. Accompagné par son père, l’enfant effectue en 1873 un séjour à Santiniketan, avant de voyager dans les régions du Nord. A Dalhousie, au pied de l'Himalaya, les paysages grandioses des montagnes l’enchantent. C’est pour lui une révélation, celle de la grandeur de la nature. Vers l'âge de quatorze ans, il poursuit ses études avec l'aide de précepteurs. A cette époque, Devendranath Tagore se charge également d’enseigner à son fils le sanscrit, langue de la religion hindou, en même temps qu’il l’initie à la littérature anglaise.

En 1878, celui-ci est à Londres. Se destinant à la fonction publique ou à la profession d'avocat, Rabindranath Tagore passe bientôt son examen de fin d'études secondaires (matriculation), avant de s'inscrire à l’University College. Avant d’avoir achevé son cursus universitaire, l’étudiant décide brusquement de rentrer en Inde. Ces dix huit mois passés dans la capitale londonienne lui ont néanmoins permis de se familiariser au genre de vie européen et de voir, sans pour autant l’apprécier, la richesse de l’Angleterre victorienne. De retour à Calcutta, Tagore décide de mettre un terme à ses études, à l'âge de dix-huit ans. En 1881, il publie les Lettres d'un voyageur en Europe, dans le journal littéraire Bharati, fondé par deux de ses frères quelques années plus tôt.


En 1882, il publie un recueil de poèmes en bengali intitulé Sandhya Sangeet (Chants de l’Aurore), avant de composer Nirjharer Swapna Bhanga (Le Réveil de la Source). Avec cette dernière œuvre, qui lui est inspirée par une expérience mystique, Rabindranath Tagore accède à la célébrité. Suivant la tradition de l’hindouisme, il se marie en 1883, épousant une fillette à peine âgée de dix ans et appartenant à sa caste. Dans les années qui suivent, l’écrivain publie quantité de textes, en vers ou en prose, des pièces de théâtre et des romans notamment. Il collabore également avec la presse indou, livrant ainsi des articles de critiques littéraire et artistique. En 1890, Tagore se rend pour la deuxième fois au Royaume-Uni, avant de s’occuper avec davantage d’attention des affaires familiales. Ces nouvelles responsabilités lui permettent de prendre conscience de la vie misérable des paysans pauvres du Bengale. Ceci est le thème de Galpaguccha (Un bouquet d'histoires) publié en 1900. Rabindranath Tagore entretient également une correspondance nourrit avec une de ses nièces, dans laquelle il décrit cette détresse matérielle du petit peuple des campagnes. Celle-ci sera en partie éditée par la suite, sous le titre de Chhinnapatra (Lettres déchirées) et Chhinnapatravali (Collection de lettres déchirées).

A cette époque, Tagore arrive à la conclusion que seule l'éducation généralisée permettrait de changer cet état de fait. Celle-ci ferait ainsi prendre conscience aux villageois de l’existence d’une communauté d’intérêt qui les lie les uns aux autres. Plus que la charité, importe ainsi l’autonomie de la paysannerie par rapport aux notables ruraux. Elle doit ainsi prendre l’initiative au sein des Panchayats, les conseils de village. Mettant en pratique ces idées neuves, l’écrivain crée une école à Seliadah, où il envoie ses propres enfants. Rabindranath Tagore parcourt fréquemment son immense domaine, en bateau sur la rivière Padma. Il installe des coopératives, des écoles et des hôpitaux dans les villages situés sur ses terres et s'efforce d'introduire de meilleures méthodes d'agriculture et d'élevage. L’écrivain s’établit enfin à Santiniketan où est créé un pensionnat, avec le consentement de son père. Patha Bhavan, cette école ashram, est inaugurée le 22 décembre 1901. Quelques élèves seulement la fréquente dans un premier temps, qui ne payent pas de frais de scolarité ; le fonctionnement de l’institution étant assuré par les deniers des Tagore. Suivant le vœu de son fondateur, les châtiments corporels y sont bannis et les cinq enseignants, dont trois sont occidentaux, accompagnent les pensionnaires dans leur découverte des sciences. L’école se développe dans les années qui suivent, à mesure que la réputation du poète grandit, et est ensuite affiliée à l’université de Calcutta.



En 1905, lord Curzon, le vice-roi britannique, décide de la partition du Bengale. Cette décision amène Rabindranath Tagore à prendre publiquement position pour la première fois pour des motifs politiques. Il devient en effet un des principaux porte-parole des opposants à cette mesure. L’écrivain estime alors que cette division entre hindous et musulmans ouvre en fait la voie à des affrontements religieux au sein de la communauté bengalie. Après la réunification du Bengale en 1911, il dénonce dans le même temps toutes les formes de protestation violentes qui se développent en Inde contre la souveraineté britannique. Tagore est touché à cette époque par de nombreuses disparitions dans sa famille : la mort de son père, de son épouse et de deux de ses cinq enfants. Poursuivant son travail littéraire, il publie des œuvres plus réalistes, des romans comme Choker Bali (Vision d'horreur) en 1901, ou Naukadubi (L'épave) deux année plus tard puis Gora en 1910. Au mois de mai 1912, l’écrivain traverse de nouveau les océans et effectue un troisième séjour en Angleterre. Certains de ses textes ont d’ailleurs été traduits en anglais, Gitanjali notamment au mois de novembre suivant, puis en français par André Gide sous le titre de L'Offrande lyrique. Aussi est-il accueilli par le peintre Sir William Rothenstein, ainsi que par le poète William Butler Yeats. Au mois de novembre 1913, Rabindranath Tagore reçoit en Suède le prix Nobel de littérature.

Fort de cette nouvelle notoriété, il gagne les États-Unis, prononçant lors de son séjour une série de conférences, publiées sous le titre de Sadhana (L'Accomplissement de la vie) en 1913. De retour en Inde après ce tour du monde, Tagore est de nouveau au Japon, puis en Amérique en 1916. Ses convictions politiques ont alors évolué. En effet, l’écrivain prend publiquement position en faveur de l’indépendance de l’Inde, toujours sous la domination du grand Empire britannique. Ces conférences sont publiées en deux volumes sous les titres de Nationalism (Nationalisme) et de Personality (Personnalité) en 1917. Dans ces textes, le poète indien dénonce également la recherche effrénée du profit économique en l'Occident, au prix selon lui de l'abandon de toute morale. Deux années plus tard, à la suite du massacre d'Amritsar au cours duquel des troupes britanniques tirent sur la foule des manifestants, Rabindranath Tagore renonce solennellement au titre de Knight (chevalier) que lui avaient conféré les Britanniques en 1915. L’écrivain renonce peu à peu à ce nationalisme étroit. Il songe ainsi à mettre son pays en contact avec le reste du monde, la richesse et l’ancienneté de la culture indou étant le meilleur des arguments à opposer au colonialisme. Au mois d’octobre 1921, l’homme de lettres publie ainsi un essai intitulé The Call of Truth, par lequel il se démarque de la politique de non-coopération prônée par Mohandas Gandhi. Conscient des faiblesses de ses contemporains et de son pays, Tagore sait ainsi que l’Inde ne pourra dans l’avenir se replier sur soi, se passer de l’aide internationale et ignorer le reste du monde.

Près de Calcutta, Rabindranath Tagore fonde ainsi Visva Bharati, un centre international de culture et d'études humanistes, dont la première pierre est posée le 24 décembre 1918. Une autre université internationale, baptisée Sri Niketan, est également fondée en 1921. Celle-ci se consacre plus particulièrement au développement des recherches agronomiques, sous la direction du scientifique américain Leonard Elmhirst. Suivant les vœux de l’écrivain, les expériences faites par les étudiants sont aussitôt transposées dans les villages des alentours afin d’améliorer les rendements de la terre. Le sort des paysans s’améliore également grâce au développement des soins médicaux. La lutte contre le paludisme, endémique dans ces zones marécageuses, est une autre priorité. A ces préoccupations, s’ajoutent également des projets d’industries rurales, permettant aux villageois de compléter leur revenu, ainsi que des initiatives culturelles, la constitution d’une bibliothèque itinérante notamment. Ce programme de développement rural sera d’ailleurs repris par le gouvernement à la fin de la seconde Guerre mondiale, au moment où l’Inde accède enfin à l’indépendance.



Rabindranath Tagore décède à Santiniketan, le 7 août 1941.