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Jean-Baptiste André GODIN 

(Esqueheries, 26 janvier 1817 - Guise, 15 janvier 1888)


Français.

Industriel.



par Marc Nadaux


 

     Quelques dates :

1830, dépose un brevet de fabrication d’un poêle en fonte avant de se lancer dans la production en séries
.
1846,
son atelier est transféré dans la ville de Guise (Aisne).
1871, fait paraître une brochure intitulée Solutions sociales dans laquelle il expose ses idées fouriéristes.
          Élu à l’Assemblée constituante.
1880, Mutualité sociale
.
         fondation de la
Société du Familistère de Guise, Association Coopérative du travail et du Capital.


 






Jean-Baptiste André Godin naît le 15 janvier 1817 à Esqueheries, un village du nord de l’Aisne. La famille Godin est de modeste condition. Après avoir fréquenté l’école communale, l’enfant rejoint dès l’âge de onze ans l’atelier de son père, artisan serrurier. Il poursuit tout de même son instruction en autodidacte, lisant des ouvrages achetés aux colporteurs de passage. Godin quitte cependant l’atelier familial en 1835 pour entamer son " tour de France ".

Ceci est l’occasion pour lui de faire connaissance avec la vie ouvrière et ses misères : les problèmes de logement, l’inégalité des salaires … Il s’initie également aux idées politiques du moment en assistant aux conférences qui se déroulent dans les villes où il est de passage. Godin se familiarise ainsi avec le saint-simonisme à Paris en 1834. L’ouvrier compagnon est enfin de retour à Esqueheries en 1837.

Son père s’est entre temps lancé dans la fabrication de poêles de chauffage en tôle. C’est pour l’artisan une activité d’appoint. Godin, après s’être marié le 19 février 1840 avec Marie Lemaire, songe à développer cette idée. Il dépose le 15 juillet 1840 un brevet de fabrication d’un poêle en fonte avant de se lancer dans la production en séries grâce à l’aide financière paternelle. C’est un succès pour le jeune entrepreneur. Après avoir sous-traité sa production auprès des fonderies de la région, Godin installe son propre atelier en 1842 à Esqueheries. Celui-ci est transféré dans la ville voisine de Guise en 1846. L’entreprise compte désormais trente salariés.



Godin fait alors la connaissance des théories de Charles Fourier auxquelles il adhère rapidement. Celles-ci lui semblent être à même d’apporter une solution à la question ouvrière. Il s’abonne bientôt au périodique La Phalange. L’axonais correspond dès lors de manière régulière avec les fouriéristes de l’École Sociétaire de Paris à qui il apporte également son soutien financier. L’entrepreneur s’emploie bientôt à propager les théories de Fourier dans les régions industrielles du Nord de la France en organisant des conférences. Les événements de 1848 l’enthousiasment. Candidat malheureux aux élections à l’Assemblée constituante, Godin acquiert de plus en plus d’aura sur le groupe fouriériste alors en difficulté. Il apporte aux cotés de Victor Considérant sa contribution aux projets d’installation d’une " Société de Colonisation du Texas " destinée à réaliser une phalange selon les théories du maître. Celles-ci ont l’ambition de réaliser l’harmonie sociale sous la forme d’une communauté de 1.600 hommes et femmes, logeant et travaillant dans une collectivité organisée, le phalanstère. L’industriel, considérant l’entreprise comme mal conçue, s’éloigne peu à peu des fouriéristes de l’École Sociétaire après s’être refusé en 1856 à rejoindre les États Unis.

Il se consacre désormais tout entier à l’essor de son activité industrielle. L’entrepreneur a multiplié dans les années qui précèdent les innovations destinées à perfectionner son produit et à en améliorer la fabrication. Le petit Godin est désormais orné d’un émaillage multicolore selon un procédé breveté en 1862, ce qui lui donne un aspect luxueux. C’est un franc succès qui permet à son entreprise de résister à ses concurrents. En 1848, un second site de production a vu le jour à Bruxelles. La manufacture de Guise compte 300 employés en 1857, 700 en 1861. De 1863 à 1869, le nombre de poêles émaillés fabriqués passe de 20.000 à 50.000 par an. Godin diversifie également ses activités en réalisant des baignoires, des pompes à eau ou des plaques de rue … A cette époque, le site industriel qui compte désormais un millier d’employés est totalement réaménagé suivant les théories de Fourier et selon les vœux de son fondateur.



Celui-ci fait paraître en 1871 une brochure intitulée Solutions sociales dans laquelle il expose ses idées. Croyant toujours aux bienfaits de l’association, Godin en fait reposer la réussite sur l’élévation intellectuelle et morale du monde ouvrier ce qui implique au préalable une amélioration du niveau de vie, l’accès à l’éducation et à des logements décents pour les masses populaires. Un second ouvrage, Mutualité sociale, paraît en 1880 et vante le mode de fonctionnement mutuelliste du site industriel de Guise. En 1883, l’entrepreneur, sûr de la réussite de son entreprise, expose dans Le Gouvernement, ce qu’il a été, ce qu’il doit être les moyens de réaliser en France le principe de la mutualité. Enfin, La République au travail et la réforme parlementaire, un opuscule publié en 1889 après son décès, constitue un résumé de sa pensée.

Godin a mis en pratique ses théories au cours de ces années avec la construction du familistère de Guise. Ce Palais social est édifié à partir de 1859. Autour de l’usine proprement dite s’adjoignent les logements des ouvriers et de leurs familles ainsi que divers bâtiments à usages collectifs (crèches, écoles, magasins d’approvisionnements, théâtre, jardins potagers …). Le familistère est une société qui s’organise autour de pratiques communautaires. L’industriel favorise la création de nombreuses associations. Des fêtes, notamment la fête du travail instaurée en 1867, rythme le calendrier de l’année. Un règlement intérieur strict, Les Règles, conseils et mesures d’ordre domestique à l’usage des Familistériens, régie la vie à Guise. Celle-ci repose sur des principes mutualistes. Godin crée ainsi une caisse d’ " Assurance contre la maladie " financée grâce à des prélèvements effectués sur les salaires et qui s’étend bientôt aux femmes et aux personnes âgées. S’il tente en 1870 l’expérience d’une Commission administrative destinée à la gestion de l’entreprise, l’idée est rapidement abandonnée en 1872. En 1877, Godin instaure au sein du Familistère la participation des ouvriers aux bénéfices de l’entreprise. En 1880 enfin, celle-ci adopte ses statuts définitifs. Devenue une société en commandite, elle se nomme désormais Société du Familistère de Guise, Association Coopérative du travail et du Capital, sous la raison sociale de Godin et Cie. L’entrepreneur conserve pourtant la main sur les destinées de sa manufacture car, à la différence de Fourier, il ne pense pas que l’on puisse rendre le travail suffisamment attrayant au point de supprimer toutes formes de contraintes. Cependant le pacte social conclu le 13 août de la même année fait du site industriel de Guise une association ouvrière. L’œuvre de Godin, qui était également pour lui un moyen d’exercer une autorité morale sur son personnel en même temps qu’une réponse à l’instabilité de celui-ci, trouve alors son aboutissement.



Au cours de ces années, l’entrepreneur prend également peu à peu part à la vie politique. En 1869, il participe à la création d’un " comité démocratique " destiné à dénoncer les "candidatures officielles" aux élections législatives. Quelques temps plus tard, Godin lutte activement pour le non au plébiscite impérial. Élu ensuite au Conseil général de l’Aisne, il s’investit dans la défense des intérêts du Nord du département pour l’installation de lignes de chemin de fer, ceci devant favoriser le développement économique de la région et par là même celui de sa propre entreprise.

Élu à l’Assemblée constituante le 8 février 1871, l’entrepreneur fouriériste siègera jusqu’en 1876 aux côtés de la gauche républicaine de Jules Grévy, Jules Ferry et Jules Simon avant de rejoindre l’Union républicaine de Léon Gambetta. Il ne ménage cependant pas ses sympathies pour l’extrême gauche, en particulier pour Louis Blanc. Le député de l’Aisne participe ainsi à la Chambre aux débats portant sur le travail des enfants dans les manufactures, sur les coalitions…



Toujours attaché à la propagation des théories fouriéristes, l’entrepreneur crée en 1878 un périodique Le Devoir, journal de l’Association du familistère de Guise. Après l’achèvement du procès en divorce avec sa première épouse, Godin se remarie quelques années plus tard en 1886 avec Marie Moret. Il décède le 15 janvier 1888.