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10
septembre 1898, l'impératrice Élisabeth, Sissi, est
assassinée. |
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10
septembre 1898,
l'impératrice Élisabeth,
Sissi, est assassinée.
par Robert Ouvrard
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Depuis longtemps,
Sissi avait insisté pour ne pas faire l'objet, lors de ses voyages, d'une
surveillance particulière. Ce qui ne manquait pas d'inquiéter
François-Joseph, d'autant plus que, en cette fin de siècle, les
anarchistes multipliaient les actions violentes à l'égard des
personnalités en vue. Mais à ses craintes, elle répondait simplement:
"Qui
voudrait attaquer une vieille femme comme moi ?"
Le portrait préféré de son mari.
Et Sissi voyageait
beaucoup, même en cette année 1898, qui voyait pourtant le
cinquantenaire du règne de François-Joseph, que l'on fêtait, à Vienne,
par de nombreuses cérémonies. D'Ischl, non loin de Salzbourg, elle
était allée à Bad Manheim, pour une de ses nombreuses cures.
Puis, en août, elle se rend en Suisse, à Territet, là où elle descend
habituellement. L'empereur ne la rejoindra pas, malgré le souhait qu'elle
a exprimé, car, après ses vacances traditionnelles à Bad-Ischl, il est
retourné à Vienne, où l'attendent les manœuvres de l'armée impériale
et royale.
Le 9 septembre, Élisabeth a prévu de rendre visite à son amie Julie de
Rotschild, à Pregny, près de Genève, à l'hôtel Beau-Rivage, puis de
revenir, le lendemain, à Territet, en empruntant le bateau à vapeur qui
fait la liaison sur le lac. Tout ceci, sous le nom de comtesse de
Hohenembs, car elle se déplace incognito.
Tout près de l'hôtel Beau-Rivage, un jeune homme de vingt-six ans semble
attendre. Il est italien, maçon de son état, et se nomme Luigi Luccheni.
Par conviction idéologique, mais aussi parce que la vie ne lui a pas
été, jusqu'ici, facile, il n'éprouve, pour les grands de ce monde, que
de la haine. Il rêve de vengeance. Et s'il est à Genève, c'est qu'il
voulait s'attaquer, justement, à l'un de ces grands, le comte de Paris,
le prétendant au trône de France, dont on avait annoncé la venue à
Genève. Mais ce dernier a annulé sa visite. Luigi serait-il donc, une
nouvelle fois, victime du mauvais sort qui s'acharne sur lui ?
Peut-être pas: dans un journal, il vient d'apprendre, que l'impératrice
d'Autriche va séjourner à l'hôtel Beau-Rivage. Cette indiscrétion
journalistique remet du baume dans son cœur !
À Pregny, la visite chez les Rotschild s'était bien passée. La baronne
Julie n'est-elle pas une amie d'une des sœurs de Sissi ? Et puis, sa
demeure est exquise, en particulier les serres, toutes neuves, remplies de
fleurs et de fruits exotiques. Sissi avait reçu en présent des roses et
des pêches, puis avait souhaité rejoindre, par le vapeur, au milieu de
gens du peuple, les gens normaux, l'hôtel Beau-Rivage, de l'autre coté
du lac.
À Genève, elle a
acheté des pâtes de fruits, a fait de menus achats, puis, en compagnie
de sa dame d'honneur, la comtesse Sztaray, elle est rentrée à
l'hôtel.
Le lendemain, ce fatal 10 septembre, il est onze heures lorsque
l'impératrice quitte l'hôtel. Il faut se dépêcher: elle a dormi plus
que de coutume, et le bateau - on est en Suisse ! - n'attendra sûrement
pas les voyageurs retardataires.
Parmi les autres voyageurs qui, comme elle, pressent le pas vers
l'embarcadère, un jeune homme, en veste noire et foulard rouge autour du
cou. Il semble vouloir dépasser tout le monde, bouscule cette femme en
noire, là, devant lui, puis prend ses jambes à son cou, et s'enfuit.
Luigi Luccheni vient d'accomplir son forfait.
La comtesse Sztaray : "À l'hôtel de la Paix, de l'autre coté de la rue, là où les cochers attendent avec leurs
voitures, un homme s'est approché. Au moment d'être près de nous, il a semblé
trébucher. Il a fait un mouvement de la main. J'ai cru qu'il cherchait à garder
l'équilibre. Je n'y ai sur le moment pas prêté plus d'attention. J'aurais même juré
qu'il n'avait rien dans les mains. Vraiment rien. L'Impératrice tomba à terre.
Absolument sans un mot. C'est alors que j'ai pensé que ce monstre avait pu frapper Sa
Majesté. C'était vraiment terrible. Mais je n'imaginais pas le pire..."
Sissi est tombée, sa dame d'honneur essaye de la relever. On l'aide, le
portier de l'hôtel est accouru, a reconnu la comtesse d'Hohenembs, a
proposé de retourner à l'hôtel, mais elle a refusé. Elle repart
hâtivement vers le bateau, où elle s'évanouit bientôt. On la porte
dans la cabine du capitaine. Là, restée seule avec elle, la comtesse
Sztaray se rend compte qu'Élisabeth est blessée au thorax.
La comtesse Sztaray
: " Il ne m'est rien arrivé me dit calmement
l'Impératrice. Nous atteignîmes l'embarcadère. L'Impératrice fit
encore quelques pas. À peine était-elle montée sur le bateau, qu'elle
me dit d'une voix étouffée : Votre bras, maintenant, vite, s'il
vous plait ! Je ne pus la retenir, sa tête s'appuyait sur ma
poitrine, je tombais à genoux. Un médecin, un médecin ! criais-je. L'Impératrice gisait dans mes bras, pâle comme une morte....
Elle ouvrit les yeux et resta quelques minutes, les yeux hagards. Puis,
avec mon aide, elle se leva lentement : Que m'est-il arrivé ? demanda-t-elle. Ce furent ses dernières paroles. Juste après, elle
retomba dans l'inconscience.
J'ouvris sa blouse et son corsage en soie, pour la dégager. Comme je
défaisais les rubans, je vis sur la chemise de baptiste une tâche
sombre, de la grosseur d'un gulden d'argent. J'ouvris la chemise et
découvris, à la hauteur du cœur, une petite blessure. Une goutte de
sang séché y adhérait. À ce moment, la vérité m'apparue: l'Impératice
avait été poignardée ! "
La comtesse appelle le capitaine, et lui apprend la véritable identité
de la victime. Ce dernier fait faire demi-tour à son bateau, pour
retourner à Genève. Ramenée à l'hôtel Beau-Rivage, un médecin
l'examine et constate que la blessure, faite avec ce qui doit être un
poinçon très fin, a atteint, de façon fatale, le cœur. Quelques
instants plus tard, Sissi, Impératrice d'Autriche et Reine de Hongrie,
n'est plus. Il faut envoyer un télégramme à Vienne " Sa Majesté l'Impératrice Élisabeth décédée à l'instant
".
Lorsqu'il prend connaissance du message, le père de Rodolphe, disparu lui
aussi tragiquement quelques années auparavant, s'affaisse dans son
fauteuil, en murmurant "Rien ne me sera donc épargné sur
cette terre ! (Mir bleibt auch nichts ersparrt !) ".
Luigi Luccheni n'est pas allé bien loin. La police l'a arrêté, ou
plutôt il s'est rendu, fièrement, disant, du moins c'est ce que l'on
raconte, qu' " un anarchiste frappe une impératrice, pas une
blanchisseuse ! "
À l'hôtel, trois médecins, en présence du consul d'Autriche,
procèdent à l'autopsie. Celle-ci révèle que l'arme du meurtrier, une
lime qu'il a pris soin de finement aiguiser, a pénétré sur 85
millimètres, traversant le ventricule gauche. Puis ils vont extraire du
pauvre corps le cœur et les viscères, qui doivent, tradition des
Habsbourg oblige, être conservés séparément, enfin, procéder à
l'embaumement.
A Vienne, la nouvelle fut rapidement connue et les journaux titrèrent :
" L'Impératrice Élisabeth assassinée ! ". La défunte
fut ramenée dans sa capitale, pour y être enterrée, toujours selon la
tradition, dans la crypte des Capucins, et selon le rite ancestral.
" Je suis Élisabeth, pauvre
pécheresse, je requiers humblement la grâce divine ".
Affiche
en souvenir d'Élisabeth
Les obsèques
de l'impératrice Élisabeth
(18 septembre 1898)
L'assassin était
maintenant en prison. Sa photographie parue dans les journaux, qui
donnaient des détails sur sa pauvre existence: enfant abandonné, puis
valet du prince d'Aragona, troublé par l'affaire Dreyfus, qui l'avait
entraîné dans l'anarchisme. De sa prison, il écrivait de nombreuses
lettres, dans lesquelles il développait ses idées. Parmi ses maximes :
" Qui
ne travaille pas, n'a pas droit à manger ! ". Il signait :
" Votre dévoué Luigi Luccheni, anarchiste convaincu ". Il
fut jugé un mois après l'attentat, en Suisse. Il n'exprima aucun regret.
Son avocat plaida l'erreur sur la victime. Cela n'impressionna pas les
quarante jurés genevois, qui le condamnèrent à la peine maximum: la
réclusion à perpétuité. À la lecture du verdict, il s'écria: " Vive l'Anarchie, Mort aux
Aristocrates ! ".
Luigi Luccheni se pendra dans sa cellule, en 1910.
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