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                                                                     Etre mineur au XIXème siècle

 

Etre mineur au XIXème siècle.


par
Jean-Marc Goglin

 



 

1. Travailler.
2.
Se reposer.
3.
Revendiquer.



 






Le terme de mineur désigne dans le langage courant tous ceux qui travaillent à la mine. En réalité, le mineur est l’ouvrier qui fore les puits et creuse les galeries. Tous ceux qui travaillent à la mine ne sont pas mineurs d’autant que l’introduction progressive de la technique contraint rapidement l’exploitant à décomposer le travail en une série d’activités complémentaires et donc à spécialiser les ouvriers.

La révolution industrielle voit le nombre de mineurs augmenter. On peut estimer à 33.000 le nombre de mineurs en 1850. Ce chiffre atteint 108.712 en 1875 et se stabilise dans les années 1880. L’augmentation la plus spectaculaire a lieu dans le Pas de Calais.

Le mineur, mis en scène dans Germinal par Émile Zola, devient rapidement une figure emblématique du monde ouvrier à cause de la spécificité de son travail et la solidarité qu’il y manifeste.


          1. Travailler.



Le mineur est, au début du XIXème siècle, un rural qui a quitté le travail de la terre. A la fin du XIXème siècle, il peut n’avoir connu que l’environnement minier. En effet, au fil des ans, la population minière se fixe. Le mineur se marie jeune, avec une femme de deux ou trois ans sa cadette. Le couple se montre très prolifique. Le fils succède au père à la mine. Le mariage entre enfants de mineurs renforce cette cohésion.

Le mineur peut avoir été jeune apprenti et avoir progresser dans la hiérarchie des mineurs jusqu’à devenir " piqueur ".
Officiellement, il existe un âge légal pour travailler à la mine. Un décret de 1813 interdit aux enfants de moins de dix ans de descendre au fond de la mine. La loi de mai 1874 et un décret de 1875 interdisent le travail des enfants avant l’âge de douze ans, proscrivent le travail de nuit, limitent la journée à huit heures coupée d’une heure de repos.
A l’âge de quarante-cinq ans, on estime que ses forces diminuent et il retourne à des tâches humbles.

Le bon mineur est convoité. Lorsque les compagnies ne trouvent pas de personnel, elles embauchent, souvent à regrets, des étrangers. Ceux-ci ne sont guère appréciés par les locaux.


Le mineur arrive au point du jour, vers cinq heures, à la mine. Il y a parfois une longue distance à parcourir du domicile à la mine. De loin, il aperçoit la bouche d’extraction, le " jour ", que le " chevalement ", en bois d’abord puis en fer, surmonte afin de la rendre visible.
Le mineur pénètre dans la " recette ", vaste pièce où il possède un casier. Il s’y change. Il reçoit sa lampe du lampiste. La lampe est garnie, allumée et fermée à clé. Le mineur a le droit de la refuser s’il la juge suspecte et d’en appeler à la décision du maître mineur.


Le mineur travaille sous la terre. Il doit descendre au fond du puits dans une gage, suspendue à des chaînes, actionnée par des " moulineurs ". Une fois descendu, il accède à la salle d’accrochage ou aboutissent les berlines de fer de cinq cent litres montées sur des roues d’acier. Il pénètre ensuite dans la galerie principale. Des galeries perpendiculaires s’amorcent. Il croise un mineur dont le rôle est d’examiner le bon fonctionnement des lampes. Le mineur quitte alors la galerie principale pour gagner le front de taille par une galerie plus étroite. L’air devient moite et rare empêchant le mineur de respirer correctement. On essaye de pallier à ce problème en utilisant un grand ventilateur de bois, actionné par un enfant. La chaleur est insupportable. La plupart des mineurs sont nus. La progression dans le front de taille est lente. Elle se fait à la pioche, au pic.

Le piqueur qui abat le charbon est le seul ouvrier producteur de la mine. Il connaît toutes les opérations du métier et est capable de remplacer n’importe lequel de ses camarades. Il est capable de repérer une odeur suspecte, de prévoir les conséquences d’une explosion… Sa technique de travail est précise : il cherche à détacher la houille sans la briser. Il commence par l’opération de " havage ". Genou à terre, il lance son pic au ras du sol et pratique une entaille horizontale de 0,5 mètre à un mètre. S’il veut faire une entaille plus profonde, il utilise la rivelaine, munie d’un long manche. Puis, il pratique les entailles verticales. Il s’agit alors de pratiquer la chute du charbon. Il utilise des coins de fer qu’il loge dans les entailles et tape avec une massette. Le bloc tombe au dernier coup de masse.

Le boiseur intervient. Il boise la cavité afin d’éviter un effondrement. Le travail est lent mais indispensable. Il utilise surtout du chêne, réputé pour sa solidité, ou du pin sylvestre. Si la zone est humide, il utilise de l’aune. Il ajuste la poutre transversale, le chapeau, sur deux montants. Il travaille à la hache et non à la scie. Le bois travaillé à la scie pourrit plus vite que celui coupé à la hache. Le charbon est ensuite acheminé vers la sortie.

Durant son travail, le mineur risque l’accident en permanence. Il craint d’abord que, lors de sa descente, les câbles qui retiennent la cage se rompent et que celle-ci s’écrase au sol. Il craint également de tomber dans un puits, d’être enseveli sous un éboulement... Il se méfie de l’eau qui ruisselle sans cesse sur les parois et peut, à tout moment, provoquer une inondation. Il faut écoper en permanence. Le grisou lui inspire la terreur. L’hydrogène et le carbone qui composent ce gaz forment avec l’oxygène un mélange qui détonne à la moindre flamme.

Il revient au " pénitent " de rendre possible la production de lumière dans une mine grisouteuse. Il procède de nuit alors que la mine est vide. Il avance dans les galeries, emmitouflé, rampant sur le sol, une lampe à la main afin de provoquer les explosions. Le procédé est peu efficace. L’invention de la lampe de sûreté sera plus décisive dans la lutte contre le grisou.

Le mineur peut prendre quelques repos. Vers neuf heures, le travail est suspendu pour une trentaine de minutes. C’est l’occasion de manger un morceau, de boire un peu de vin et de bavarder. Puis le travail reprend.


Le travail accompli, vers dix-huit heures, le mineur parcourt le chemin en sens inverse. Il remonte à l’air libre par une échelle de bois. La cage remonte les berlines chargées de charbon. Le marqueur, installé dans sa loge, tient le compte des berlines remontées. Il coche à la craie sur un tableau noir où prélève les fiches métalliques mobiles posées sur les berlines. Le mineur rend sa lampe au lampiste qui doit constater qu’elle lui a été rendue fermée. Si elle porte des traces de détérioration ou de tentative d’ouverture, celui-ci doit le déclarer. Il revient au lampiste de l’entretenir.

Le charbon remonté est séparé des pierres. Il est passé au crible afin de séparer petits et gros morceaux. Les gros morceaux sont destinés à la vente tandis que les petits seront acheminés vers les usines de cokerie et d’aggloméré. Ces différentes catégories de charbon sont stockées dans des endroits différents. Ceux qui sont inutilisables viennent grossir le cône des " stériles " qu’est le terril du Nord ou le crassier stéphanois.

L’ensemble du travail est supervisé par un contremaître, appelé " porion " dans le Nord ou " gouverneur " dans la Loire.


          2. Se reposer.



Une fois changé, le mineur rentre à son foyer. Son travail n’est vraiment fini qu’après sa toilette, au savon noir. Il soigne ses blessures s’il en a. Sa femme lui apporte son aide.
Il se repose alors dans sa maison située en ville ou dans le coron. Dans ce dernier, la promiscuité entre voisins est grande et le mineur est facilement dérangé.
Le mineur se requinque en mangeant. Le pain est la base de l’alimentation. La viande fait peu à peu partie du menu. Le repas est accompagné de plusieurs tasses de café. Faute de moyens, le mineur ne commet pas d’excès de table.

Le jardin, heureusement, apporte un complément alimentaire. Celui des corons est généralement de dimension modeste : de 200 à 400 mètres carrés. Les compagnies accordent parfois un coin de terre en location allant jusqu’à 15 ares. Le jardin fournit les choux, les haricots, les épinards, les oignons, les poireaux, le persil… Il permet également d’avoir des framboises ou des groseilles pour faire des confitures.

La vie sociale du mineur se limite à fréquenter l’église parfois, le cabaret souvent. Si certains y boivent beaucoup, c’est l’occasion pour tous de se retrouver, jouer aux cartes, chanter des chansons engagées. Le café est le lieu idéal pour diffuser les idées politiques puis syndicales.
Le mineur n’oublie pas les petites fêtes souvent plus attendues que les grandes. Les fêtes corporatives et celles de la paroisse sont les plus populaires.


          3. Revendiquer.



Les soucis ne manquent pas. La grève est le moyen le plus utilisé pour manifester son malaise. Les grèves sont souvent inattendues, pleines d’imprévues. Beaucoup ont pour origine un coup de colère au moment de la paye ou le décès d’un mineur lors d’un accident.

Toutes les quinzaines, généralement le 10 et le 25 de chaque mois, le mineur touche son salaire. Le salaire moyen par jour est de 2,14 francs en 1860 et de 3,58 francs en 1875.
Le versement se fait d’abord le dimanche puis en semaine. La paye varie considérablement selon le poste. Le mineur de taille est payé à la tâche. Celui qui boise est payé au mètre. Peu sont payés à la journée. On estime que le paiement à la journée encourage à la paresse. Les mineurs acceptent ces disparités et sont même choqués par l’égalité de salaire.

A l’inverse des retenues importantes amputent le salaire du mineur. Celles de la caisse de secours ne dépassent pas 3%. En revanche, les amendes sont importantes. Elles sanctionnent les manquements aux horaires et aux règles de sécurité. Le mineur participe également aux frais de l’outillage. Finalement, il lui impossible de connaître par avance le montant de sa paye. Il juge souvent qu’il est mal payé. Il lui est parfois difficile de faire face à ses dépenses et bien que disposant d’avantages en nature, possibilité de logement, d’école, de soins payés par la mine, il s’endette.

Les premières heures de la grève sont les plus effervescentes. Il s’agit pour les mineurs d’impressionner le patron. C’est le moment de montrer sa force physique. Les tensions finissent par retomber. Chacun rentre chez soi et y reste.
La plupart des négociations échouent. Les mineurs ne sont pas fortement organisés avant loi Waldeck-Rousseau de 1884. La loi du 9 juillet 1890 institue des délégués. Cependant, le plus souvent, force reste à la loi et au patron. Les obtentions sont minces et il faut se remettre au travail.



Le mineur travaille, se repose, manifeste. Malgré la pénibilité de son travail et les risques encourus, notamment celui de développer des " maladies de poitrine ", il l’aime. L’attachement à la terre, à la mine, à ceux avec qui il travaille le caractérise.