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                                 Henri Lacordaire et l'implantation de l'Ordre dominicain au Canada

 

Henri Lacordaire
et l'implantation de l'Ordre dominicain
au Canada.



par
Jean-Marc Goglin

 



 






L'initiative de la fondation d'une province dominicaine au Canada revient à deux membres du clergé séculier canadien et non à des membres de l’Ordre. En 1854, Jean-Charles Prince, premier évêque de Saint-Hyacinthe, diocèse créé deux ans auparavant, commande à son vicaire, Joseph-Sabin Raymond, un Mémoire pour l'Établissement de l'Ordre des Frères Prêcheurs dans le diocèse de Saint-Hyacinthe.

Il peut sembler étrange que l’évêque souhaite implanter dans son diocèse un ordre médiéval dont la spiritualité peut sembler alors dépassée. Cette volonté naît de l’admiration pour un homme : Henri Lacordaire.

Dans les années 1830, alors que Joseph-Sabin Raymond est professeur au Séminaire de Saint-Hyacinthe, dirigé par l'abbé Jean-Charles Prince, en France, le jeune abbé Lacordaire se joint à l'abbé Félicité Robert de Lamennais et au comte de Charles de Montalembert pour fonder le journal L'Avenir. Ce journal est voué à la défense de la liberté religieuse et de l'enseignement. Les idées défendues dans L'Avenir trouvent un écho favorable à Saint-Hyacinthe qui est alors le centre de la pensée libérale au Canada. Les abbés Prince et Raymond vont se faire les propagateurs de la pensée de Lamennais avec qui Joseph-Sabin Raymond entretiendra une correspondance suivie. Cependant les idées de L'Avenir sont condamnées par le pape Grégoire XVI au mois d'août 1832 par l'encyclique Mirari Vos. Lamennais rompt alors avec l’Église. Au contraire, Lacordaire choisit de s'incliner devant la volonté de la papauté.

À partir de 1835, il entreprend une série de conférences à Notre-Dame de Paris qui vont le consacrer comme le prédicateur par excellence de son temps. Sa réputation s’étend à toute l’Église. À Saint-Hyacinthe, Prince et Raymond en font circuler les textes dès qu'ils les reçoivent. En France, Lacordaire, conscient de l’importance de la prédication et de l’enseignement, acquiert la conviction qu'il faut restaurer l’Ordre dominicain dissous par le Gouvernement. En effet, la vocation de cet ordre, créé en 1215 par Dominique de Guzman, est justement de prêcher et d’enseigner. De plus, malgré ses origines médiévales, son organisation interne répond aux aspirations libérales du temps car les autorités de l’Ordre sont démocratiquement élus pour un mandat à durée déterminée par l’ensemble des frères.

En 1839, Lacordaire publie son Mémoire pour le rétablissement en France de l'Ordre des Frères Prêcheurs puis entre au noviciat chez les Dominicains à Rome. Sa profession de foi faite, il revient en France pour y prêcher et y faire connaître l'Ordre. Il réussit si bien, qu'en 1843 il fonde à Nancy le premier couvent de la restauration dominicaine en France.


 Pendant ce temps, à Sainte-Hyacinthe, comme la santé de l'abbé Raymond cause quelques inquiétudes à ses supérieurs, ceux-ci l'envoient en Europe pour se reposer. Le 1er janvier 1843, Joseph-Sabin Raymond va écouter la prédication de Lacordaire à Nancy et profite de l'occasion pour l'entretenir de son désir d'entrer dans l'Ordre des Prêcheurs. Lacordaire l'en dissuade, préférant le voir continuer à œuvrer à l'éducation de la jeunesse du Canada. Revenu au pays, Raymond reprend son travail au Séminaire, qu'il dirigera à partir de 1847, mais sans avoir renoncé à entrer, un jour, dans l’Ordre dominicain.

En 1852, Jean-Charles Prince se rend à Rome. Il y rencontre le Maître de l’Ordre, Alexandre-Vincent Jandel, avec qui il s’entretient de la possibilité de fonder une province dominicaine au Canada. Nommé évêque de Saint-Hyacinthe, en 1854, Prince cherche à réaliser ce projet. Il demande à Raymond d’écrire un Mémoire présentant le projet. Dès qu'il a fini de rédiger son Mémoire, Raymond écrit à Lacordaire pour lui en faire part et lui demande d’instaurer le Tiers-Ordre dominicain à Saint-Hyacinthe. Lacordaire accepte. C’est le début de l’implantation dominicaine au Canada. La participation de Lacordaire se termine là.


 La création d’une province doit être approuvée par le Maître de l’Ordre. Il faudra de nombreuses années avant que la province dominicaine du Canada ne soit créée. En 1855, Jean-Charles Prince adresse au Maître de l'Ordre sa demande officielle pour une fondation dominicaine à Saint-Hyacinthe. Les négociations dureront près de vingt ans entre les trois évêques qui se succèdent à Saint-Hyacinthe et les autorités de l'Ordre avant que le projet de Jean-Charles Prince et de l'abbé Raymond n'aboutisse enfin. Du côté de Saint-Hyacinthe, on fait valoir les bénéfices que tirerait l'Église d'ici d'une telle fondation. Du côté de l'Ordre, on hésite à s'embarquer dans une telle aventure. En effet, la province de France vient à peine d'être restaurée et, pour l’Ordre, il faut d'abord la consolider avant de songer à fonder une province au Canada. Peu de religieux sont disponibles pour s’installer au Canada et encadrer les postulants. De plus, l’Ordre hésite aussi entre fonder une province au Canada et en fonder une en Louisiane.

Finalement, le 22 juillet 1873, la province de France, devant la possibilité d'un recrutement plus facile au Canada qu'en Louisiane, accepte la demande de fondation de l'évêque de Saint-Hyacinthe. Le dimanche 5 octobre 1873, les pères Louis Bourgeois, Réginald Bernard, Louis Mothon et le frère convers Simon Grappe, prennent officiellement possession de la paroisse Notre-Dame-du-Rosaire de Saint-Hyacinthe. Au cours de la messe solennelle présidée par l’évêque Charles Larocque, l'abbé Joseph-Sabin Raymond, principal artisan de la fondation, a l'honneur de prononcer le discours de bienvenue aux Prêcheurs. Les nouveaux venus reçoivent un accueil favorable et, dès 1874, des vocations s'annoncent. Les novices sont envoyés faire leur noviciat en France jusqu'en 1885, date à laquelle s'ouvre le noviciat de Saint-Hyacinthe. Cet événement favorise grandement le développement de la nouvelle fondation. Le premier Prêcheur à y avoir fait son noviciat est un frère convers nommé Hyacinthe Rousseau.


Henri-Dominique Lacordaire n’est donc pas seulement le restaurateur de l’Ordre des Frères Prêcheurs, plus couramment appelé Ordre dominicain, en France. Il a également joué un grand rôle dans l’implantation de cet ordre au Canada.