Le XIXème siècle est le
siècle des révolutions, de ces bouleversements politiques qui ont vu, au
terme de quelques décennies de lutte, le régime républicain s'imposer
en France. C'est donc également celui des constitutions, ces textes de
loi volumineux qui organisent la vie politique. Et si cette dernière,
comme la chose publique, est une passion
française, celle des textes constitutionnels est son corollaire.
L'abbé Sieyès en son temps déjà, dans son cabinet de travail,
noircissait des dizaines de pages, à la recherche de la combinaison
idéale, celle qui satisferait les aspirations profondes des
Français.
1. La
Charte constitutionnelle du 4 juin 1814.
Le 30 mars
1814, Paris qui a capitulé est occupé par les Alliés. Le Sénat et le
Corps législatif, après avoir proclamé la déchéance de Napoléon le 2
avril, demandent à Louis XVIII en exil outre-Manche de remonter sur le trône.
Tandis que l'Empereur signe le 6 avril à Fontainebleau son abdication,
ses vainqueurs confient au Sénateurs le soin de rédiger une nouvelle
constitution. Ceux-ci chargent une commission, dont les membres
s'apparentent au courant libéral des Idéologues, de rédiger un projet
qui est adopté le 6 avril suivant. Le texte suscite rapidement
l'opposition des royalistes les plus intransigeants. Louis XVIII, tenu de
prendre position à propos des futures modalités de son gouvernement,
rejette le 2 mai à Saint-Ouen le projet de constitution qui lui est
soumis. Une nouvelle commission réunie à sa demande s'attelle à nouveau
à la tache et procède à quelque aménagements du texte précédent
utilisé comme base de travail. La Charte constitutionnelle est enfin
promulguée le 4 juin 1814.
Celle-ci s'ouvre sur un préambule rédigé dans un langage subtil qui
insiste sur la légitimité du nouveau souverain. Refermant la parenthèse
révolutionnaire, Louis XVIII consent à accorder quelques droits à ses
sujets. C'est la signification du mot "Charte", préféré à
celui de "Constitution". Le texte qui s'inspire des institutions
britanniques n'en institue pas pour autant une monarchie parlementaire. Le
roi qui détient le pouvoir exécutif n'est aucunement responsable devant
le Parlement. Celui-ci est composé de deux chambres : la Chambre des
pairs dont les membres sont nommés à vie par le roi, la Chambre des députés
élus quant à eux au suffrage censitaire. Cependant les ministres peuvent
être choisis parmi ces derniers. Cette pratique permettra de constituer
une amorce de régime parlementaire dans la France de la Restauration et
de donner parfois au nouveau régime un caractère libéral.
2. La
Charte constitutionnelle du 14 août 1830.
Louis XVIII avait appliqué
la Charte de 1814 dans un sens libéral. Charles X son successeur, entend
désormais maintenir au pouvoir le parti ultra royaliste. Mis en minorité
par deux fois, il use de son droit de dissolution de la Chambre des députés
avant de tenter un coup d'État. Quatre ordonnances contraires à l'esprit
de la Charte et publiées le 25 juillet 1830 dans un contexte de
crise économique déclenchent une émeute dans Paris. Les agissements des
libéraux amènent alors le duc d'Orléans, cousin du roi, au pouvoir.
Nommé le 30 juillet "lieutenant général du royaume" par les députés,
Louis-Philippe est bientôt proclamé roi des Français. Il forme le 1er
août un nouveau gouvernement placé sous son autorité tandis que Charles
X et son fils prennent le chemin de l'exil. Le 14 août, la Charte
constitutionnelle est promulguée après avoir été voté quelques jours
auparavant par la Chambre des députés et par la Chambre des pairs.
Cette nouvelle constitution est un compromis entre les aspirations des républicains
et celles des monarchistes constitutionnelles. Ainsi le préambule disparaît
de la Charte de 1830 car les pouvoirs du roi des Français émanent de la
nation. Le nouveau souverain choisit alors de se faire appeler
Louis-Philippe Ier et non Philippe VII. Il adopte également le drapeau
tricolore, acceptant ainsi le legs idéologique de la Révolution de 1789.
Tandis que la censure est abolie, les prérogatives du roi diminue au
profit de celles de la Chambre des députés. Cet aménagement confère à
la Monarchie de Juillet son caractère libéral.
3. La
Constitution républicaine du 4 novembre 1848.
La
vie politique de la Monarchie de Juillet s'organise autour du clivage à
la Chambre des députés qui sépare le parti du "mouvement",
progressiste et considérant la Charte de 1830 comme un point de départ,
et celui de la "résistance", conservateur et qui n'accepte
aucun aménagement supplémentaire. Si les deux partis adverses alternent
dans un premier temps au pouvoir, celui-ci est confisqué à partir de
1840 par Guizot et les conservateurs. Les manifestations réformistes et révolutionnaires
se multiplient alors tandis que le mécontentement est aiguisé par les
crises économiques. L'interdiction d'une manifestation le 22 février
1848 provoque bientôt une émeute dans la capitale parisienne. Le
surlendemain, le palais des Tuileries est pris d'assaut, Louis-Philippe
Ier doit abdiquer. Un gouvernement provisoire dominé par le poète
Lamartine proclame la République. Une Assemblée constituante, élue le
23 avril et composée de républicains modérés, est chargée de rédiger
une constitution. Les travaux sont cependant troublés par les "journées
de juin", la répression d'un mouvement de révolte d'ouvriers
protestant contre la fermeture des ateliers nationaux. Le texte définitif
est finalement promulgué le 4 novembre 1848, après des semaines de
discussion à l'Assemblée constituante.
La Constitution de 1848 est novatrice à plusieurs titres. Sur le modèle
des institutions américaines, la France de la Seconde République confie
désormais le pouvoir exécutif à un Président élu au suffrage
universel. Favorable dans leur majorité au monocamérisme, les députés
de l'Assemblée constituante attribue à une Chambre unique de représentants
du peuple le pouvoir législatif. Cependant plusieurs problèmes soulevés
lors des discussions préparatoires à l'élaborations du texte comme le
droit au travail, l'abolition de la peine de mort, la séparation de l'Église
et de l'État ne trouvent pas de développement et restent lettre morte.
D'ailleurs les dispositions établies par la Constitution de 1848
demeurent sur de nombreux points ambiguës. Tandis que la responsabilités
des ministres n'est pas clairement exprimée, les deux pouvoirs, celui de
la Chambre des députés et celui du Président de la République, sont d'égale
force. Aucun organisme n'est là disposé à régler leurs conflits éventuels.
4. La
Constitution du 14 janvier 1852.
Le
10 novembre 1848, Louis Napoléon Bonaparte est élu Président de la république.
Il rompt dès la fin du mois d'octobre 1849 avec le régime parlementaire
en nommant de nouveaux ministres non issus des députés de l'Assemblée.
Celle-ci voit d'ailleurs grossir les rangs du parti bonapartiste. Désireux
de se maintenir au pouvoir, Louis Napoléon Bonaparte tente en vain
d'influer pour l'abrogation de l'article 45 de la Constitution du 4
novembre 1848 qui stipule que le Président, élu pour quatre années,
n'est pas immédiatement rééligible. Il lui faut donc recourir à la
force. Un coup d'État est organisé dans la nuit du 1er au 2 décembre
1851. Malgré quelques résistances dans Paris, les régions du Centre et
le Midi, Louis Napoléon Bonaparte se voit confier par un référendum,
qui a lieu les 21 et 22 décembre suivant, les pouvoirs nécessaires pour
établir une nouvelle constitution.
Rédigée à la hâte et signée par le Président le 14 janvier 1852, le
texte qui vante dans son préambule l'œuvre de l'Empereur des Français
n'est qu'une imitation de la Constitution de l'an VIII. Le pouvoir législatif
est soumis à un pouvoir exécutif fort au main d'un Président élu pour
dix ans. Ce régime autoritaire s'affirme rapidement avec la proclamation
du Second Empire par le Sénatus-consulte du 7 novembre 1852. Celui-ci est
soumis avec succès au plébiscite quelques jours plus tard. Dans la
seconde partie du règne, le pouvoir de Napoléon III se fait ensuite plus
libéral ce qui a pour effet de renforcer l'opposition. Les réformes
instituées par la volonté de l'Empereur aboutissent à la mise en place
d'un véritable régime parlementaire grâce au Sénatus-consulte du 21
mai 1870.
5. Les
lois constitutionnelles de 1875.
Le 2 septembre 1870, le Second Empire sombre dans la défaite à Sedan.
Tandis que la République est proclamée à Paris le surlendemain, un
gouvernement provisoire signe le 28 janvier 1871 un armistice avec
l'Allemagne. Une Assemblée élue au suffrage universel décide alors de
la conclusion de la paix, signée à Francfort le 10 mai suivant.
Une Commune insurrectionnelle, proclamée le 26 mars à Paris, s'oppose
bientôt au nouveau pouvoir installé à Versailles. Celle-ci est réduite
par la force, à partir du 28 mai 1871 et la République montre à cette
occasion sa capacité au maintien de l'ordre. Après la démission
d'Adolphe Thiers, le maréchal de Mac Mahon est élu Président de la République
par l'Assemblée. L'échec d'une restauration monarchique due à
l'intransigeance du prétendant, le comte de Chambord, qui dans son manifeste
du 5 juillet défend le souvenir du drapeau blanc de ses aïeux, amène
alors les députés à rédiger une nouvelle Constitution.
Le texte constitutionnelle est fixée par des lois votée à l'Assemblée
au cours de l'année 1875. Celles-ci définissent la nature du régime en
place qui est républicain, bicamériste et parlementaire. Contrairement
à l'attente des monarchistes, la Troisième République perdurera tandis
que des amendements en gommeront les aspects autoritaires.